Bataille entre le conseil d'état et le ministère de l'intérieur, sur la suppression de fichiers sur les opinions politiques, convictions religieuses et philosophiques, enregistrées dans trois fichiers de sécurité… Cependant, cette suppression ne vaudra qu’à défaut de nouveaux décrets pris dans les 4 mois par le Premier ministre, après avis de la CNIL pour préserver le principe.
En effet, en décembre 2020, trois décrets du ministère de l’Intérieur ont été publiés : l’objectif est de muscler les fichiers du renseignement territorial (PASP et GIPASP qui ont succédé à Edvige) et les enquêtes administratives.
Parmi les multiples nouveautés, les services pouvaient recueillir des informations sur l’opinion des personnes surveillées, leurs pseudos Twitter, des données de santé, le tout pour des finalités élargies qui dépassent la sécurité publique.
Trois décrets qui portaient sur les fichiers frères du renseignement territorial de la police (PASP) et la gendarmerie (GIPASP) et celui qui permettait aux enquêtes administratives (EASP) nécessaires pour la pratique des professions de magistrat, policier, surveillant pénitentiaire, policier municipal, agent de sécurité privé ou… de la Hadopi.
Des fichiers larges qui permettaient aussi aux forces de l’ordre de surveiller toute personne présentant une menace à l’ordre public (manifestants violents, hooligans,…), comme les personnes pouvant porter atteinte à la sûreté de l’État, du territoire ou des institutions de la République. Problème, c'est que très vite, les notions applicable pour définir ces statut étaient trop vagues. Sous entendant que n'importe qui, dans les rouages du système, pouvaient ordonner un fichage de n'importe qui, sous un prétexte mineur d'un mot, d'une phrase, d'un tweet, ou d'un propos public.
Hors, au matin du 4 décembre 2021, le ministère de l'intérieur à déposer trois nouveaux décrets qui permettent désormais de recueillir des informations sur l’opinion des personnes surveillées, leurs pseudos Twitter, des données de santé, le tout pour des finalités élargies qui dépassent la sécurité publique.
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000042607338
Le renseignement territorial pourra ainsi ficher des éléments sur les « données de santé révélant une dangerosité particulière » des personnes et les « données relatives aux troubles psychologiques ou psychiatriques obtenues conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur ». Les données de santé avaient été exclues dans le PASP et le GIPASP après le tollé sur Edvige. Un nouveau coup au secret médical.
La commission de la CNIL, consulté par le Ministère de l'Intérieur, souhaitait que le gouvernement précise les catégories « comportement et habitudes de vie », « déplacements » ou encore « pratiques sportives », mais il n’a pas pris en compte son avis.
Le nouveau décret accroît les connexions avec d’autres fichiers de police (TAJ, FPR, FSPRT, API-PNR, système des permis de conduire,…). Le décret prévoit aussi le fichage de la « pratique et des comportements religieux » ainsi que les « activités sur les réseaux sociaux ».
Les fonctionnaires pourront aussi recueillir les identifiants et pseudonymes sur les réseaux sociaux (mais pas les mots de passe). Dans le cadre du fichier EASP sur les enquêtes administratives, toute personne souhaitant avoir une habilitation devra d’ailleurs fournir ses pseudos, y compris Twitter.
Selon la CNIL « seules les informations mises volontairement en ligne par leurs propriétaires en source ouverte, sans qu'elles soient conditionnées à un accès particulier, pourront être consultées et collectées ». Pour les données non publiques, il faudra passer par les services de renseignement.
Le ministère a précisé à la CNIL « que les informations collectées porteront principalement sur les commentaires postés sur les réseaux sociaux et les photos ou illustrations mises en ligne ». À noter, même si ce n’est pas précisé dans le décret, l'interrogation par la photographie devrait constituer une nouvelle possibilité d'interrogation du traitement (à l'instar du nom).
C'est ce qu'on appel plus vulgairement, de la donnée de reconnaissance faciale.
Ce double élargissement a été justifié par l’Intérieur « au regard des troubles graves à l’ordre public qui se sont développés depuis 2015 ». Sous entendant, les attentats, mais clairement, il faut aussi comprendre les mouvements contestataires tels que les Gilets Jaune.
Plusieurs organisations (CGT, FO, FSU, Syndicat de la magistrature et Syndicat des avocats de France) avaient déjà attaqué ces trois décrets au Conseil d’État, mais leurs requêtes furent rejetées en début d’année.
La Ligue des droits de l’homme, la Section française de l’Observatoire international des prisons, la Confédération générale du travail, la Quadrature du Net, Le Conseil national des barreaux ou encore la collectivité de Corse sont repartis au combat avec de nouveaux arguments, à l’occasion d’une pluie de recours.
Désormais le conseil d'état n'a pas d'autre choix que de demander la suppression de ces élargissement. Mais de connaisseur, l'ambition est clair. L'aboutissement porte bel et bien à un fichage numérique des citoyens français, sous n'importe quel prétexte !
Voir les articles dans https://www.nextinpact.com/article/49275/fichage-opinions-politiques-au-conseil-detat-annulation-en-trompe-oeil
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