MARS 30, 2016 PAR LHK
La réorganisation du monde confirmée par deux entretiens. Liliane Held-Khawam
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Où allons-nous?
Avant-propos: Je n’ai pu résister à reprendre un entretien de l’ancien premier ministre israélien M S Pérès qui valide tous les travaux du site qui tourne autour de la réorganisation du monde, de l’Etat transnational, de la mondialisation, de la disparition de la démocratie etc.
Cet entretien valide aussi la place centrale de la science dans la vie future de l’humanité.
Un deuxième article, entretien avec M Harari dans la revue Science et Vie complètera le tableau avec une vision très particulière de l’homme du futur et de la place centrale de l’Intelligence artificielle.
M Harari dit notamment:
« Pour être franc, je pense que dans le futur, les humains vont utiliser la technologie pour se transformer en dieux. Et je le pense de façon littérale, pas métaphorique. Les humains sont sur le point d’acquérir des capacités qui étaient traditionnellement considérées comme des capacités divines. Les humains pourraient bientôt être capables d’imaginer et de créer des êtres vivants à volonté, de surfer sur des réalités imaginaires avec la seule force de l’esprit, d’allonger de façon incroyable leur durée de vie, et de changer leur propre corps et esprit selon leur bon désir. »
Tout cela nous renvoie à ce que certains appellent l’ère post-humaniste définie ainsi par Wikipédia:
« Le post-humanisme est un courant de pensée né à la fin du xxe siècle, qui traite du rapport de l’humain aux technologies (biotechnologies incluses) et du changement radical et inéluctable que cette relation a provoqué ou risque de provoquer dans l’avenir1. Le mot aurait été publié la première fois par Peter Sloterdijken 1999, lors d’un colloque consacré à Heidegger et à la fin de l’humanisme, Sloterdijk postulant « que le développement des technosciences imposait d’envisager un nouveau système de valeurs accompagnant la production d’êtres nouveaux et légitimant le pouvoir de ceux qui bénéficieront des technologies d’augmentation de l’être humain »2. Pour P Sloterdijk le transhumanisme, encore mal défini, serait une transition vers le posthumanisme. Il se veut international, avec une association World Transhumanist Association créée en 1988 puis renommée « Humanity+ ».
Bonne lecture.
Liliane Held-Khawam https://lilianeheldkhawam.com/2016/03/30/la-reorganisation-du-monde-confirmee-par-deux-entretiens-liliane-held-khawam/
Shimon Pérès : «Nous assistons à la transition d’un monde ancien vers un monde nouveau». Philippe Gélie, le Figaro
L’ancien premier ministre et ancien président d’Israël Shimon Pérès
INTERVIEW – Shimon Pérès, 92 ans, ancien premier ministre et ancien président d’Israël, préside aujourd’hui le Centre Pérès pour la paix.
En gras les question du Figaro, en maigre les réponses de Shimon Pérès
LE FIGARO. – Que vous inspire la situation du Moyen-Orient aujourd’hui?
Shimon Pérès. – J’essaie de regarder le monde avec une perspective plus large. Ce à quoi nous assistons, c’est la transition d’un monde ancien vers un monde nouveau. C’est la fin des territoires et de leur conquête. Nous passons de l’époque des terres et des guerres à un nouvel âge, totalement différent, qui repose sur la science. La science n’est pas quelque chose que l’on doit conquérir par la force. Vous ne pouvez pas l’enlever à quelqu’un, vous n’avez besoin d’affaiblir personne. Le problème est qu’à ce stade, nous ne sommes pas totalement sortis du monde ancien et nous ne sommes pas complètement entrés dans le monde nouveau.
Daech semble en effet plus inspiré par le Moyen-Âge…
Shimon Pérès. La guerre a un but, le terrorisme est une protestation. Les djihadistes disent: «Vous nous avez insultés, on va vous couper la tête.» Ils sont religieux, ils veulent changer le système et ils pensent qu’ils ont un droit à faire valoir. Mais ils n’ont pas de programme, pas de message à part la vengeance.
Le progrès peut-il venir à bout de ces idéologies?
Shimon Pérès. En elle-même, la science est neutre. Vous ne pouvez pas entrer dans le nouveau monde avec des armes, et vous ne pouvez pas sortir de la pauvreté sans la science. On voit bien que cette révolution a déjà changé l’économie mondiale et affecte les systèmes de gouvernement. Les dirigeants ont le pouvoir mais ils n’ont pas le soutien des peuples. Les grandes entreprises internationales n’ont pas besoin des politiques, elles n’ont pas besoin d’armes, elles sont élues tous les matins par leurs clients. Ce sont elles qui possèdent la richesse, 27.000 milliards de dollars de réserves! Cela change le sens de la démocratie. Aujourd’hui, l’égalité des droits, c’est le droit pour chacun d’être différent. Celui qui opte pour la discrimination a perdu.
Aux gouvernements de s’adapter?
Shimon Pérès.«Dans le monde nouveau, on ne peut plus diriger, il faut servir.»
C’est la fin d’un système. Il y a une économie globale mais il n’y a pas de gouvernement global. Dans le monde nouveau, on ne peut plus diriger, il faut servir. Les gouvernements actuels produisent de l’inégalité sociale au lieu de la réduire. Les jeunes générations veulent une meilleure éducation, une vie meilleure, c’est pourquoi elles protestent. On le voit partout, au Moyen-Orient, en Afrique, en Europe, en Amérique.
Les attentats qui frappent l’Europe montrent que le monde ancien n’a pas disparu…
Shimon Pérès. Si l’on part se battre contre le terrorisme, il revient à notre porte. Ce qu’il faut, c’est se battre contre les raisons du terrorisme: le sentiment d’infériorité, le manque d’éducation, de médicaments, de nourriture, la discrimination des femmes… Lorsqu’une femme n’est pas éduquée, la victime est l’enfant. Et ceux qui ont reçu une éducation doivent pouvoir travailler. Il faut que les entreprises aident les jeunes générations. Au Moyen-Orient, 65 % de la population a moins de 28 ans. Travaillons avec les jeunes!
Pourtant, des milliers de jeunes, y compris chez nous, partent rejoindre Daech…
Shimon Pérès. Combien? 10.000? 20.000? Mais des millions n’y vont pas. Il faut leur donner un autre choix: leur expliquer la religion et parallèlement leur donner les moyens de vivre. Prenez l’Égypte: la population a été multipliée par cinq en cinquante ans, mais le reste n’a pas suivi. Le Nil s’assèche, l’Éthiopie construit un barrage qui inquiète les Égyptiens… Aujourd’hui, la science est capable de multiplier chaque goutte d’eau par cinq ou six. La jeunesse arabe et africaine commence à bouger, nous devons l’aider. Quand on a une approche globale, on n’a plus de frontière et on n’est pas nationaliste.
«Il faut bâtir de nouvelles industries en Afrique et au Moyen-Orient, donner un avenir à ces gens, transformer des zones de danger en nouveaux marchés.»
Ce monde globalisé plonge aussi l’Europe dans une crise migratoire sans précédent…
Shimon Pérès. Il ne suffit pas d’aider les réfugiés à s’installer. Comme pour le terrorisme, il faut s’attaquer aux causes. Il faut bâtir de nouvelles industries en Afrique et au Moyen-Orient, donner un avenir à ces gens, transformer des zones de danger en nouveaux marchés.
Rien dans le monde actuel n’entame votre optimisme?
Shimon Pérès. Les hommes sont toujours pessimistes, mais l’histoire est optimiste. Comparez le monde d’aujourd’hui avec celui d’il y a deux siècles. Les optimistes et les pessimistes meurent de la même façon, alors il vaut mieux être heureux. Je préfère le bonheur à l’égalité. Non, je ne suis pas du tout pessimiste. C’est aussi une caractéristique du peuple juif.
La situation d’Israël dans ce Proche-Orient agité ne vous inquiète-t-elle pas?
Shimon Pérès. Nous ne produisons pas de montres, nous parions sur l’éternité! Nous avons fourni au monde un document d’importance, ce sont les Dix Commandements: 172 mots qui constituent la précondition de la civilisation. C’est une révolution qui donne la priorité à la morale. Être le peuple élu n’a pas été un concours de beauté: nous avons été massacrés, exilés, nous avons connu la Shoah. Mais aujourd’hui nous sommes le seul peuple du Moyen-Orient qui parle la langue de ses prophètes. Nous avons 4000 ans en tant que peuple et 68 ans en tant qu’État. Ce nouvel État nous a donné le tempérament de la jeunesse.
Yvoyez-vous une leçon pour les peuples voisins?
Shimon Pérès. «Israël, c’est à 95 % la science et les hommes, à 5 % la terre.»
Nous sommes partis de loin: une terre très petite et très pauvre, ponctuée de marais et de déserts, une rivière, le Jourdain, qui a plus de renommée que d’eau… Nous étions enthousiastes à cause de notre rêve mais démunis dans les faits. Nous avons alors découvert qu’il y avait une ressource disponible dans la nature, le caractère humain. Et, de rien, nous avons fait presque tout. Israël, c’est à 95 % la science et les hommes, à 5 % la terre.
Mais une terre qui reste menacée…
Shimon Pérès. Nous n’avons pas seulement changé le monde, nous avons changé les perspectives pour le monde. Le bénéfice que nous recherchons n’est pas la richesse, c’est la paix et l’innovation. Alors al-Qaida ou Daech ne sont pas le problème. Le problème, c’est la pauvreté, l’ignorance, l’intolérance. C’est cela qu’il faut combattre. Le Moyen-Orient et l’Afrique sont devant ce choix. Le passé ne contient pas le futur, il n’y a pas d’experts pour ce qui ne s’est pas encore produit.
Votre optimisme vaut-il aussi pour l’Europe?
Shimon Pérès. «Pourquoi les Européens n’adoptent-ils pas une langue commune ?»
L’Union européenne est jeune, comparée aux siècles de guerre et de conflits qui l’ont précédée. Il faut prolonger la vision de Jean Monnet. Pourquoi les Européens n’adoptent-ils pas une langue commune, par exemple? À l’ère digitale, vous avez encore des milliers de traducteurs! Je parie que la France sera le premier pays du monde à être entièrement digitalisé. La révolution digitale apporte une croissance de 2 % par an, elle a déjà commencé.
À 92 ans, vous ne pensez qu’à l’avenir!
Shimon Pérès. On me demande souvent comment je reste jeune. C’est simple: faites le compte de vos réalisations dans la vie et de vos rêves dans la tête. Si vous avez plus de rêves que de souvenirs, vous êtes jeune.
YUVAL NOAH HARARI, AUTEUR DU LIVRE “SAPIENS, UNE BRÈVE HISTOIRE DE L’HUMANITÉ“, Science et Vie
https://www.science-et-vie.com/sapiens-une-breve-histoire-de-lhumanite
Docteur en Histoire, diplômé de l’Université d’Oxford, Yuval Noah Harari, 39 ans, enseigne dans le département d’Histoire de l’université hébraïque de Jérusalem. 65 000 personnes sont abonnées à son cours en ligne Une brève histoire de l’humanité. En 2012, il a reçu le prix Polonsky qui récompense la créativité et l’originalité des ouvrages de Sciences Humaines. Ses recherches actuelles abordent des questions d’histoire très générales sur les relations entre l’histoire et la biologie, la différence entre l’Homo sapiens et les autres animaux ou encore notre rapport au bonheur.
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