Depuis plusieurs mois, FranceSoir enquête sur la “harcelosphère“ qui gravite autour de l’IHU Méditerranée dirigé par le Pr Raoult, mais aussi sur le rôle et le fonctionnement des organes de fact-checking qui ont décrété tout au long de la crise du Covid-19 quelle était la vraie de la fausse information. La présente investigation plonge dans les arcanes de la communauté des fact-checkers et s’intéresse plus spécifiquement au cas du site Fact & Furious, des pratiques douteuses de son fondateur, de son ascension aussi fulgurante que sa disparition, de son réseau opaque et tentaculaire.
La confiance de la population française dans ses médias d’information est au plus bas niveau : seuls 26% des Français déclarent avoir confiance dans les médias mainstream, selon un sondage MIS Group réalisé pour FranceSoir et BonSens.org en novembre 2020. L’onde de choc sur les réseaux sociaux suscitée par la nouvelle de la fermeture soudaine du site Internet de Fact & Furious ce 26 novembre 2022, en amont de la parution de cette enquête, risque de ne rien arranger. Présenté dans la presse comme un « média indépendant de fact-checking », ce site controversé et son directeur, le sulfureux Antoine Daoust, ancien militaire de 39 ans reconverti à l’occasion de la crise du Covid-19 en chasseur « de complotistes et d’anti-vax », sont au cœur de la tourmente depuis les premières révélations de Malika Daoust, son épouse, mardi 22 novembre sur la chaine YouTube d’Idriss Aberkane
Violences conjugales, coups et blessures aggravés sur mineur, menaces de morts, mercenariat, manipulation de l’information pour le compte de commanditaires, falsification de tests PCR, déboire judiciaire… loin de l’image médiatique de l’homme honnête, désintéressé et désireux de déjouer les contrevérités, c’est un tout autre portrait d’Antoine Daoust que brosse sa femme : « Un homme violent, menteur et manipulateur, même auprès de sa famille ». Un récit accablant dont cette mère de famille a initialement voulu faire part à l’Agence-France presse qui, d’après son témoignage, a couvert l’affaire de façon à protéger le fact-checker revendiqué.
Cette affaire révèle un scandale qui vient jeter un pavé dans la mare des réseaux étroits et coordonnés du fact-checking, ébranlant ainsi une crédibilité déjà bien entamée.
De l’information vraie au blanchiment de fausses informations
Les Décodeurs du Monde, Checknews de Libération, l’AFP Factuel, Fakes Off de 20 Minutes, Les Observateurs de France 24… ces dernières années, les rubriques de fact-checking ayant vocation à prétendument rétablir « la vérité » et lutter contre les fausses informations se sont multipliés. Dans un monde au sein duquel règne une profusion d’informations, parfois vraies, parfois fausses, une rubrique qui permet de faire le tri peut, sur le principe, s’avérer un outil d’orientation utile.
En revanche, puisque l’information émane de la presse publique et privée, dont l’indépendance est souvent l’objet de critiques – dépendance aux actionnaires, à l’État, à un parti pris idéologique : les raisons ne manquent pas – un média indépendant et autonome en charge de sa vérification semble, en dehors de la vérification par d’autres pairs, l’un des moyens les plus légitimes pour acquérir aux yeux du grand public une crédibilité en la matière.
Comme le rappelait Fabrice Fries, PDG de l’AFP, lors de la cinquième édition de Médias en Seine mardi 22 novembre, à laquelle FranceSoir était présent : « Le fact-checking est souvent confondu avec la vérification. Or, la vérification, c’est quelque chose de très différent. C’est quelque chose que tous les médias sont censés faire : vérifier avant de publier son propre contenu. Le fact-checking porte sur des contenus de tiers et qui sont déjà publiés. C’est très différent. »
C’est dans ce contexte qu’intervient Fact & Furious, un site Internet décrit dans la plupart des médias comme un « site indépendant de fact-checking », dont les publications ont été régulièrement reprises par divers organismes de presse aussi bien en France qu’à l’étranger. Un site de vérification des faits apparu soudainement dans le paysage médiatique dont l’ascension sera aussi rapide qu’étrange. Après avoir obtenu rapidement un certificat IPG délivré par le ministère de la Culture, lui octroyant un statut de site "d'information politique et générale", le site a décroché un prestigieux contrat de collaboration avec l’Agence France Presse dans le but de collaborer à la lutte contre la désinformation.
Au cœur de l’enquête sur Fact & Furious
Quel était le rôle de Fact & Furious ? Vérifier loyalement des informations publiées par des tiers ou bien « blanchir » de fausses informations ? Et qui est vraiment Antoine Daoust, le propriétaire du site ? Que se cache-t-il derrière l'ascension fulgurante de Fact & Furious ?
Cette investigation de plusieurs mois menée par FranceSoir et puis plus récemment par l’essayiste Idriss Aberkane, révèle un scandale de nature à ébranler la crédibilité et la probité du système médiatique français.
Lanceuse d’alerte, Mme Daoust a décidé de sortir du silence en prenant contact avec FranceSoir, certains membres de l’association BonSens.org (depuis mars 2022) et Idriss Aberkane dans le but « de dévoiler à tout le monde qui est Antoine Daoust » et quelle est la « vraie vérité » derrière la création de Fact & Furious, organe qui détient un contrat de collaboration avec l’AFP et de supposés liens étroits avec Rudy Reichstadt, directeur de ConspiracyWatch, ou bien encore Tristan Mendès France, membre de l'observatoire du conspirationnisme.
Censurée par les fact-checkeurs, cette mère de famille rapporte également les violences (psychologiques et physiques) dont elle et sa fille ont été victimes sous la coupe de son mari, et des coups et blessures aggravés qui font aujourd’hui l’objet d’une plainte. Cette situation est devenue suffisamment préoccupante pour attirer l’attention immédiate du président de la République, Emmanuel Macron…
Une vie conjugale sous le joug de la violence d’Antoine Daoust
Dessinatrice en bâtiment et vendeuse en magasin de prêt-à-porter, Malika Daoust nous a confiés son dur calvaire, qu’elle estime avoir été étouffé par les journalistes appartenant à la « communauté des fact-checkers ». Pendant longtemps, apeurée mais aussi animée par un illusoire espoir de le voir changer, elle n’a pas voulu parler : « La majorité des femmes battues, comme moi, ne font rien… malheureusement ». Ce n’est que le 16 novembre que cette mère trouvera le courage de déposer une plainte contre son mari pour coups et blessures aggravés envers elle et sa fille de 12 ans.
Rappelons que « les violences conjugales sont punies par la loi, qu'elles visent un homme ou une femme, qu'elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles. Il s'agit des violences commises au sein des couples mariés, pacsés ou en union libre. Si vous êtes victime et que vous signalez les faits, vous pouvez être aidé et protégé. Vous pouvez bénéficier de l'aide et de la protection quelle que soit votre nationalité et quelle que soit la durée de votre séjour en France. »
Mme Daoust rapporte avoir été la cible de violences conjugales à plusieurs reprises, comme ce 23 mars 2022 : « Je me suis enfui de la voiture. Il m’a rattrapée, m’a fait une balayette, s’est mis sur moi et m’a rouée de coups. Il m’a porté plusieurs coups de poings et des coups de pieds. Suite à ça, la police est intervenue, ainsi que le SAMU, et j’ai été transportée aux urgences de la clinique du Sidobre », peut-on lire dans son dépôt de plainte. Résultat : une incapacité totale de travailler (ITT) de six jours. FranceSoir a pu consulter le certificat médical qui atteste des séquelles de Mme Daoust. Nous le reproduisons ci-dessous.
Encore attachée à son mari, Mme Daoust décidait « de lui donner une nouvelle chance pour notre couple et pour sa fille », poursuit la mère de famille dans sa plainte, dans laquelle elle précise que son mari s’en est également pris à son intégrité physique par le passé, de même qu’à celle de sa fille, qui a elle aussi déposé plainte contre Antoine Daoust.
Des coups qui se seraient plus tard ensuivis de menaces de mort : « Le 23 mars 2022, il s’en va. À ma sortie de l’hôpital, je commence à tweeter, à mettre ses fausses ordonnances sur les réseaux sociaux. Le 25 mars, il se repointe au domicile [ndlr : pour parler des prises de contact de Mme Daoust auprès l’AFP - voir ci-après). On se parle, on se pardonne, j’efface tout ce que j’ai écrit sur mon mur. Le 17 avril, rebelote [nouveaux faits de violences qui déboucheront sur une ITT de 4 jours]. Le 24 avril, il s’en va définitivement de la maison, en me menaçant de mort, en me disant “si je reste, je te tue“ ». M. Daoust aurait ensuite rejoint une autre femme, sa maitresse.
Ce dernier n’en est pas à ses premiers faits de violence. Alors militaire, il aurait été condamné pénalement à une peine de prison avec sursis pour séquestration en bande organisée.
Mme Daoust précise sur FranceSoir : « Quand Antoine est parti du domicile fin avril 2022, sachez qu’il a tout pris : la voiture, les cartes bleues… Je me suis retrouvé à zéro euros. J’ai dû mendier pour faire manger mes enfants, notamment sa fille. ».
Dans un complément de plaintes, elle souligne également avoir « subi des violences psychologiques de la part de [son] mari en date du 15 mars 2022 ». Ce jour-là, Malika avait pourtant tenté d’alerter sur les violences conjugales dont elle était victime, mais aussi sur plusieurs pratiques illégales du fondateur du site Fact & Furious, en entrant en contact avec l’AFP.
Une grande déconvenue pour la lanceuse d’alerte : Pauline Talagrand, rédactrice en chef adjointe au sein de l’agence, a réagi en alertant aussitôt Antoine Daoust de l’action de sa femme, avant d’en informer Malika en message privé sur Twitter et de lui signifier : « Il semble que l’affaire relève de la sphère privée. Nous ne pouvons en l’état donner suite à une interpellation non étayée sur la réputation d’une personne externe à l’AFP. Si vous estimez que cela vaut davantage, il vaut sûrement mieux vous tourner vers les autorités compétentes. »
Dans son complément de plaintes, Mme Daoust déclare : « J’avais écrit à Pauline Talagrand de l’AFP car elle et mon époux ont un contrat de travail ensemble. Elle ne m’a pas pris au sérieux. Elle a fait une capture [d’écran] de mes messages et les a envoyés à [Antoine Daoust]. » Elle poursuit : « Du coup, lui m’a envoyé les messages suivants : “Mais t’es tarée ma parole, pkoi tu as contacté l’AFP ??? T’es complètement taré ma parole.“ »
À ce message, Malika répond : « Non, pas du tout. Tout le monde va savoir qui tu es Antoine, ton vrai visage : le mito, le manipulateur. Je vais tout leur dire sur toi, au moindre détail. » Et M. Daoust de lui signaler : « Ils viennent de m’appeler pauvre conne ».
Mme Daoust déplore non seulement un manque de soutien, mais dénonce les propos que la journaliste a ensuite fait parvenir par messagerie privée à M. Daoust, un échange que FranceSoir a pu vérifier : « Vas-y mollo Antoine », l’a-t-elle enjoint, en lui faisant parvenir une capture d’écran dans laquelle apparait le message d’Antoine Daoust à Malika : « Ils viennent de m’appeler pauvre conne ». L’intéressé a répondu à Mme Talagrand : « Désolé. Le problème est réglé. » Malika estime que l’AFP a choisi de « protéger » et de « couvrir » M. Daoust. Aussi, elle prévoit de porter plainte contre la journaliste, a-t-elle annoncé à FranceSoir dans un second Debriefing (voir plus loin dans l’article).
Dans le cadre de cette enquête, FranceSoir a pris attache mardi 22 novembre 2022 auprès de l’AFP afin d’interroger Mme Talagrand à propos de ces échanges. Le 25 novembre 2022, soit trois jours plus tard, ce n’est pas l’intéressée qui répondait à notre prise de contact, mais le service juridique de l’agence de presse. Le contenu de la réponse pose question, car il enjoignait Monsieur Azalbert d’effacer ses tweets mentionnant l’AFP et Mme Talagrand :
« Dans différents tweets, vous accusez l’AFP et notre journaliste Pauline Talagrand d'avoir ignoré une alerte concernant des faits de violences conjugales qui auraient été infligées par Antoine Daoust.
Malika Daoust s’est plainte auprès de l’AFP, sur Twitter, dans une conversation privée du 15 mars 2022, d’Antoine Daoust qu’elle a qualifié de « menteur » et de « manipulateur ». Elle n’a à aucun moment évoqué des faits de violences conjugales.
L’AFP n’étant pas un interlocuteur pertinent pour un conflit de vie privée, nous n’avons pas donné suite à cette conversation, mais lui avons conseillé de se tourner vers les personnes compétentes.
Dans tous les cas, il est faux de laisser entendre que l’AFP n’aurait pas tenu compte de faits de violences conjugales, alors que de tels faits n’ont jamais été portés à notre connaissance.
Nous vous prions donc de retirer vos tweets et de cesser ces allégations diffamatoires et infondées, tant à l’égard de l’AFP que de notre journaliste nommément mise en cause, ces tweets ayant pour effet d’altérer ses conditions de travail. »
Xavier Azalbert, dans un message envoyé à l’AFP en date du 26 novembre 2022, leur a fait part de son étonnement suite au refus de Mme Talagrand de répondre aux questions d’un journaliste dans le cadre d’une enquête. Dans son email, dont le PDG de l’AFP, M. Fries, est en copie, il rappelle aussi à ce « département juridique » que Madame Talagrand pouvait difficilement ignorer la définition juridique relative aux violences conjugales de par son expertise relative aux violences faites aux femmes, soulignant qu'elle avait été alertée par Mme Daoust du statut de « manipulateur » et de menteur de M. Daoust et qu'elle avait constaté le message « pauvre conne » adressé par Antoine Daoust à Malika. Et de demander pourquoi la journaliste a préféré refuser d’écouter Mme Daoust et enquêter.
Huit jours plus tard, le 23 mars, cette dernière nous a pourtant rapporté avoir été victime de violences physiques de la part de M. Daoust. Pour l’heure, ni le service juridique de l’AFP ni son PDG n’ont répondu à ce dernier échange.
L’Elysée réagit en 48h au courrier de Malika Daoust
Si l’agence de presse s’est refusée à réagir en mars, la réaction de l’Élysée a été autrement différente. Mercredi 16 novembre 2022, Malika Daoust, trouvant le courage de dépasser ses appréhensions, a finalement déposé plainte contre son mari pour coups et blessures aggravés sur elle et sa fille.
Le vendredi 18 novembre 2022, elle a envoyé un courrier pour signaler à l’Élysée, notamment, les violences qu’elle a subies de la part du directeur de la publication de Fact & Furious. Surprise : la réaction de la présidence sera extrêmement rapide. En seulement 48 heures, dans un courrier en date du 21 novembre, le président de la République l’informe de la bonne réception de sa lettre et de son soutien. « Sensible au rappel des épreuves auxquelles vous avez été confrontée, M. Emmanuel Macron, déterminé implacablement à lutter contre les violences faites aux femmes, m’a confié le soin de vous transmettre ses chaleureuses pensées et tout son soutien », peut-on lire dans le courrier de l’Élysée, qui ajoute : « À la demande du chef de l’État, je n’ai pas manqué de signaler votre démarche à M. le Préfet du Tarn. J’ai également transmis votre correspondance à M. le Garde des Sceaux, ministre de la Justice. Vous serez tenue directement informée, par leurs soins, de la suite susceptible d’être réservée à votre intervention. »
Une attention d’Emmanuel Macron saluée par Mme Daoust, qui tient à le remercier pour son soutien et son engagement dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Si la dissymétrie entre la réaction de l’AFP en mars et celle de l’Élysée en novembre a de quoi interpeler, le choix du chef de l’État de s’intéresser immédiatement au cas individuel d’une femme présumée battue interroge également.
Fact & Furious, une officine de désinformation bancale aux réseaux tentaculaires
Le site factandfurious.com est présenté dans la presse comme un média de fact-checking indépendant. Ses publications sont citées par des journalistes à valeur de source crédible pour étayer leurs articles. Son fondateur détient même un prestigieux partenariat avec l’AFP. Mais en vérité, Fact & Furious, c’est surtout l’histoire d’un site piloté par Antoine Daoust, ancien barman retiré sans compétence journalistique ou scientifique, depuis le garage de son domicile. Animé selon Malika Daoust par le désir de briller en société, prêt à toutes les compromissions pour quelques gains financiers, Antoine Daoust va rapidement devenir l’agent et l’instrument d’un réseau qui le dépasse.
En février 2021, l’ancien militaire s’est lancé dans la création de Fact & Furious. « On a tous quelqu'un dans la famille qui est touché de près ou de loin par la désinformation ou le complotisme. On a voulu comprendre l'enjeu, le dénoncer », a-t-il argué quelques temps plus tard auprès de France 3.
« Un travail impartial respectueux des différences », « une diversité de voix et de perspectives », « une information traitée de façon objective et désintéressée », ou bien encore « une rédaction qui s’engage à respecter les dix devoirs énoncés dans la charte de Munich » : en apparence, la vitrine présentée sur le site Internet du « média de fact-checking » a de quoi charmer le citoyen en quête d’une information sûre et vérifiée.
En vérité, loin d’agir de manière honnête et désintéressé, Antoine Daoust aurait créé Fact & Furious par désir de briller et par besoin de pallier ses soucis financiers, explique Malika Daoust à FranceSoir : « Il voulait se faire connaitre, c’est ça l’origine [de Fact & Furious]. Il a commencé par des vidéos YouTube pour les enfants, ça ne marchait pas. Ensuite, il a commencé à aider des nouveaux YouTubers [ndlr : ce site créé en octobre 2018 s’appelait Famous Videos Magazine] : ça ne marchait pas. Ensuite, il a ouvert ce petit journal [ndlr : en septembre 2020, un blog d'actualité généraliste baptisé Instant critique] : ça ne marchait pas. Et du jour au lendemain, le nom Fact & Furious est arrivé et ça explose. » Un nom qui ne viendrait pas de lui, mais qui lui aurait été soufflé, explique Malika, qui rappelle les difficultés financières de son mari, frappé par le passé d’interdiction bancaire : « Ils ont dû lui proposer de l’argent en lui disant :“Avec nous, tu vas évoluer, tu vas avoir beaucoup d’argent, tu vas être connu“. Et de là, il a foncé. »
Promesse visiblement tenue : la réputation de Fact & Furious a pu compter sur une couverture médiatique lénifiante. Au premier rang des admirateurs du site, le service public : en août 2021, France info lui consacre un article élogieux titré « Comment des citoyens luttent contre les fake news des antivaccins sur le Covid-19 : "On vide la mer avec une petite cuillère" ». AFP, L’Express, BFM TV… Fact & Furious servira ponctuellement de source de référence à de nombreux médias en France mais aussi à l’étranger. Son fondateur, lui aussi, sera couvert de compliments louangeurs : « Au quotidien, Antoine Daoust traque la désinformation sur le web », explique par exemple La Dépêche.
En août 2021, alors que le pouvoir en Afghanistan tombait à nouveau dans les mains des Talibans à la faveur du retrait des troupes américaines, Antoine Daoust, bien que condamné pour séquestration en bande organisée au temps où il était encore militaire, a également bénéficié d’une importante couverture médiatique, rappelant son engagement au côté de l’Otan dans le pays. France info, TF1, BFM TV, Le Point, Le Parisien… ont ainsi donné à la parole au vétéran. Engagement dont Mme Daoust met en cause la vertu présentée par l'ex-militaire :
Antoine Daoust n’hésite pas à se targuer que « Fact & Furious [soit] régulièrement cité par la presse nationale et les médias » et que le site soit « noté cent pour cent par NewsGuard pour sa fiabilité et sa rigueur ». Signataire du Code européen de bonnes pratiques contre la désinformation émis par la Commission européenne, NewsGuard est l’outil de fact-checking de la multinationale américaine Microsoft, fondée par le milliardaire Bill Gates. Le conseil consultatif de la société compte parmi ses membres le général Michael Hayden, ancien directeur de la CIA et de la NSA, et Anders Fogh Rasmussen, ex-secrétaire général de l'Otan, ainsi que plusieurs anciens membres des administrations Clinton, Bush et Obama. En termes de crédibilité et d’irréprochabilité, l’argument n’est sans doute pas des plus vendeurs.
Le site était aussi cité sur Microsoft.com comme étant un site fiable pour les étudiants.
Par ailleurs, le site Fact and Furious était aussi recommandé en site fiable par le Poynter Institute for Media Studies, organisme de recherche américain hébergeant le « Réseau international de vérification des faits » (International Fact-Checking Network) et gèrant le célèbre site américain PolitiFact. Quelles diligences cette organisme avait-il effectué pour accorder à Fact & Furious cette crédibilité ? Le rôle des divers instituts ont été explicités dans cette étude complète publiée sur ResearchGate : qui va fact-checker les fact-checkers ?
Un réseau de fact-checking bien organisé ?
En mai 2021, le ministère de la Culture a délivré un certificat IPG au site Fact and Furious, lui octroyant le précieux statut de site « d’information politique et générale ».
Se disant « très surprise » et trouvant même « anormal » que le ministère de la Culture puisse délivrer aussi rapidement un certificat IPG à ce site, Mme Daoust soutient que Fact & Furious aurait été monté avec l’aide d’un réseau opaque comprenant plusieurs figures sulfureuses, parmi lesquelles Rudy Reichstadt, fondateur du site polémique Conspiracy Watch, et Tristan Mendès France, animateur de l’émission “Complorama“ diffusée sur France info et membre de l’observatoire du conspirationnisme.
Rapidement dos au mur financièrement, l’aventure aurait pu finalement toucher à sa fin au mois de novembre 2021. Pour subvenir à ses besoins, Antoine Daoust espérait recevoir une bourse de ce même ministère de la Culture qui lui a délivré un certificat IPG. Paradoxalement, elle lui a été refusée au motif qu'il n'a « pas de formation journalistique pour le fact-checking ». Un camouflet pour le fact-checker revendiqué : la compétence dans le domaine de l’information avancée par Antoine Daoust n’est pas approuvée. Quelles diligences ont été faites par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) sur Antoine Daoust avant de lui délivrer ce fameux certificat IPG ?
Pourtant, dans le cadre de cette demande de bourse, Antoine Daoust a pu bénéficier d’un soutien important en la personne du député LREM, M. Botherel, qui est intervenu directement auprès du cabinet de la ministre de la Culture. La question des motivations derrière cette intervention se pose : le député macroniste a-t-il agi sur demande ?
Sa demande de bourse refusée, les partenaires d’Antoine Daoust voleront à son secours. « Ses amis lui donnent l’idée d’organiser une cagnotte en ligne. Il s’exécute et il récolte assez d’argent : un peu plus de 16 000 euros. » D’autres cagnottes suivront avec à la clé plusieurs milliers d’euros récoltés.
Selon Malika Daoust, une grande partie de ces fonds seront ensuite subtilisés : « Il a signalé à la juge qu’il ne touche que 200 euros de cette entreprise. » Et d’ajouter : « Où est cet argent ? Qu’est-ce qu’il en fait ? Je ne sais pas, mais je vais avoir mes réponses. » Quelque 8 000 euros auraient pu disparaitre des comptes de la société. Malika Daoust a cherché à alerter les deux autres personnes impliquées dans la gestion du site au moment de sa création, Tiko Stept et Romain Aubert, sans que ces derniers ne daignent donner suite.
Un partenariat avec l’AFP
En décembre 2021, l’entreprise a pris la forme juridique d’une Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle (SASU) : une SAS qui ne comporte qu’un seul associé. Seulement un mois après la création de la société, le 13 janvier 2022, son directeur Antoine Daoust, bien que ne possédant aucune formation journalistique, comme l’a explicité le ministère de la Culture, a décroché un prestigieux contrat avec l’Agence-France presse dans le cadre de la coalition « Objectif desinfox ». Lancé par l’AFP le 6 décembre 2021, ce programme de lutte contre la désinformation réunit 23 médias français et bénéficie du soutien de Google, géant américain du numérique contre lequel FranceSoir est actuellement en procès.
Ce partenariat surprenant entérine un lien de collaboration directe entre un site de fact-checking lancé par un individu sans expérience journalistique travaillant depuis le garage de son domicile avec le plus grand organisme de presse français, dont le patron, Fabrice Fries, a récemment été mis en examen pour diffamation, avait révélé FranceSoir.
Le contrat biffé avec l’AFP est accessible ici.
Une fausse indépendance
« Fact & Furious est un service de presse en ligne indépendant », peut-on lire dans la section « Qui sommes-nous » du site Internet. Vraiment ? Selon Malika Daoust, c’est un mensonge : « Il fait le travail de commanditaires. Il faut qu’il ait leur accord. Ce n’est pas de Fact & Furious que partent les investigations. » Et de marteler : « [Mon mari] n’est pas libre […] Ce que je sais, c’est que c’est un pion ».
À en croire la lanceuse d’alerte, Antoine Daoust produisait donc des articles sur commande de façon à ce qu’ils soient publiés sur le site de Fact & Furious puis relayés par les médias, qui présentaient erronément le site comme un « média indépendant ». L’objectif : consolider la labellisation des personnes critiques du discours convenu sur les sujets attrayant à la crise du Covid-19 comme « complotiste » et « antivax » dans l’intention de les discréditer dans la sphère publique. Malika Daoust nous informe que les personnes ciblées par Fact & Furious étaient « le Pr Raoult, le Pr Perronne, Idriss Aberkane et Xavier Azalbert ».
Influence dans les pages Wikipédia
Officiellement fiable et neutre, l’encyclopédie en ligne Wikipédia, régulièrement accusée de parti pris idéologique, reprend également ces étiquetages médiatiques, basés pour certains sur les publications du site Fact & Furious, dans le cadre de l’écriture des fiches biographiques publiées sur son site Internet. Un marquage stigmatisant potentiellement à vie.
De nombreux liens surprenants
Une question insolite se pose également, celle d’un lien de collaboration avec… les Renseignements généraux. C’est ce qu’affirme Malika Daoust dans son courrier à l’Élysée (voir plus haut) : M. Daoust mènerait des actes d’espionnages pour le compte des services de renseignement. Dans un échange, Antoine Daoust mentionne également « des mots de passe avec les RG ».
Parmi les autres figures du réseau gravitant autour de Fact & Furious, la très connue infectiologue Karine Lacombe : une « amie personnelle » du directeur de Fact & Furious, selon Malika Daoust. Échangeant régulièrement au téléphone avec le fact-checker revendiqué, Mme Lacombe a pris un rendez-vous médical auprès de ses confrères pour Mme Daoust afin de réaliser des tests cutanés qui avaient vocation à déterminer si elle serait en mesure de pouvoir se faire vacciner contre le Covid-19. Un rendez-vous médical auquel Malika n’a finalement pas donné de suite, ne désirant pas se faire vacciner… sur recommandation de son mari.
Dans une conversation de groupe qui incluait Antoine Daoust selon Malika, Karine Lacombe a sollicité de l’aide dans le cadre de la préparation de son dossier de défense suite à la plainte déposé par le Pr Didier Raoult pour diffamation après les propos tenus par l’infectiologue sur Europe 1 en juillet 2020. Elle avait déclaré que « des actions en justice [contre Didier Raoult] pour mensonge devant la commission parlementaire [étaient] en cours ».
Antoine Daoust entretenait aussi des liens avec des figures sulfureuses de la “harcelosphère“ contre l’IHU Méditerranée du Pr Raoult, comme Ari Kouts, consultant pour la société de conseil Viseo, et le Dr Peiffer Smadja, infectiologue sanctionné le 21 octobre d’un avertissement par la chambre disciplinaire de première instance d’Île-de-France de l’Ordre des médecins pour ses propos « de nature gravement anti-confraternelle » à l’encontre du Pr Christian Perronne.
Ndlr : une erreur s'est glissée dans le nom de la personne sur la seconde photo.
Enfin, il convient de noter qu'Antoine Daoust a collaboré avec des journalistes du sulfureux site Libération, relai des thèses les plus farfelues sur l'efficacité des diverses mesures sanitaires depuis le début de la crise du Covid-19, dans le cadre de l'écriture d'articles pour son site Fact & Furious.
Du blanchiment d’information sur commandes à la réalisation de faux tests PCR et de fausses ordonnances
La situation financière de la famille Daoust n’était pas au beau fixe, comme le souligne Malika. Aussi, Antoine Daoust réclamait régulièrement des fonds à sa famille, visiblement agacée, comme dans ce message du 21 août 2021 que nous avons pu consulter, dans lequel on lui rétorque : « Depuis 5 ans, on vous a versé 50 000 euros, soit le prix d’un appart à Colomiers ». « On ne peut rien faire parce que tu nous as asséchés financièrement », lui était-il signalé dans un autre message.
En parallèle de son activité de directeur de la publication de Fast & Furious, pour arrondir ses fins de mois, Antoine Daoust, pourtant très vigilant en ce qu’il s’agissait de rappeler le bon respect des règles sanitaires, « falsifiait » des tests PCR à partir de tests effectués par lui ou son épouse dans le but de les vendre à un prix fixé entre 20 euros, pour les clients réguliers, et 80 euros. Ces tests PCR étaient transmis par le biais des applications Snapchat ou Messenger. Selon Malika Daoust, il en vendait « au moins 5 par jour pendant une période ». Un petit business juteux.
Par ailleurs, Antoine Daoust réalisait aussi de fausses ordonnances en usurpant l’identité d’un médecin qui n’était plus en exercice.
Défenseur du vaccin anti-Covid, Antoine Daoust demande à sa femme et sa fille de ne pas se faire vacciner
Malika Daoust déclare auprès de FranceSoir qu’elle et ses enfants ne sont pas vaccinés « à la demande de son mari, car les vaccins sont toujours en phase expérimentale ». D'après elle, Antoine Daoust tenait donc un double langage en faisant la chasse aux "anti-vax" via son site Internet.
Annoncée le 22 novembre, cette enquête, alors qu’elle n’était pas encore parue, a d’ores et déjà eu des conséquences avec la disparition du site Fact & Furious et de ses comptes sur les réseaux sociaux le 26 novembre. Au travers d’un communiqué de presse, son fondateur déclare avoir dissous la SASU le 10 novembre 2022, bien qu’aucune déclaration officielle de dissolution n’ait été enregistrée et que les statuts de la société ne prévoyaient pas une dissolution anticipée. Alors que les collectes de fonds continuaient encore le 25 novembre 2022 et que la boutique de Fact & Furious est toujours en ligne, cette déclaration d’un acte de dissolution pose question à plusieurs titres, car le couple Daoust, marié sous le régime légal de la communauté, est en instance de divorce.
L’introduction de la procédure de divorce, datée du 16 novembre 2022, ne mentionne pas cette dissolution. Si cette dissolution est avérée, pourquoi cela n’a-t-il pas été mentionné dans la demande de divorce ? Antoine Daoust aurait-il commis un acte illicite qui pourrait être constitutif d’une dissimulation d’actifs ?
En amont de la parution de cette enquête, le site polémique Conspiracy Watch a publié un billet à charge contre Xavier Azalbert et Idriss Aberkane qui dénonce des « pseudo-révélations » et « une campagne de dénigrement des « fact-checkeurs » par la « complosphère ». « Sans surprise, les officines se serrent les coudes même face à l’inacceptable », a constaté Idriss Aberkane sur Twitter, qui ajoute : « Il faut désormais qu’une commission d’enquête parlementaire vienne inspecter ces réseaux anti-démocratiques et leurs productions outrancières ».
De son côté, Xavier Azalbert a appelé au lancement d’une enquête judiciaire et d’une enquête parlementaire et sénatoriale.
FranceSoir publiera prochainement une enquête sur Conspiracy Watch et ses acteurs.
Dans le cadre d'un second Debriefing, nous avons reçu Malika Daoust afin de recueillir son ressenti sur le déroulé des derniers jours depuis son premier témoignage mardi 22 novembre.
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