vendredi 17 février 2023

MANIPULATION

 

L’Occident a saboté la paix en Ukraine : les preuves s’accumulent

L’ancien Premier ministre israélien a récemment confié dans une interview que l’Occident a bloqué les négociations pourtant encourageantes qu’il avait organisées entre l’Ukraine et la Russie en mars 2022. Ces nouvelles révélations s’ajoutent à d’autres que Caitlin Johnstone nous rappelle, illustrant de manière évidente que les États-Unis ne veulent pas de la paix en Ukraine et sont prêts à prolonger le conflit tant que possible pour affaire leur rival russe. Tant pis pour les milliers de victimes que cette guerre par procuration provoquera. (IGA)


Quelques jours après le début de la guerre en Ukraine, le New York Times a rapporté que « le président ukrainien Volodymyr Zelensky a demandé au Premier ministre israélien, Naftali Bennett, de servir de médiateur pour des négociations à Jérusalem entre l’Ukraine et la Russie. » Dans une interview récente, Bennett a fait des commentaires très intéressants sur ce qui s’est passé durant ces négociations survenues dès les premiers jours de la guerre.

Dave Decamp s’y est penché dans un nouvel article intitulé « L’ancien Premier ministre israélien Bennett dit que les États-Unis ont « bloqué » ses tentatives d’accord de paix entre la Russie et l’Ukraine ». Dave Decamp rapporte ce qui suit :

Samedi, l’ancien Premier ministre israélien Naftali Bennett a déclaré dans une interview publiée sur sa chaîne YouTube que les États-Unis et leurs alliés occidentaux ont « bloqué » ses efforts de médiation entre la Russie et l’Ukraine pour mettre fin à la guerre dès ses débuts.

Le 4 mars 2022, Bennett s’est rendu en Russie pour rencontrer le président Vladimir Poutine. Dans l’interview, il a détaillé la médiation qu’il a menée à l’époque entre Poutine et le président ukrainien Volodymyr Zelensky, médiation qu’il dit avoir coordonnée avec les États-Unis, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Bennett a déclaré que les deux parties avaient accepté des concessions majeures au cours de son effort de médiation.

(…)

Mais en fin de compte, les dirigeants occidentaux se sont opposés aux efforts de Bennet. « Je vais dire ceci de manière générale. Je pense que l’Occident a pris une décision justifiée à leurs yeux de continuer à frapper Poutine et de ne pas [négocier]« , a déclaré Bennett.

Lorsqu’on lui a demandé si les puissances occidentales avaient « bloqué » les efforts de médiation, Bennet a répondu : « En gros, oui. Ils l’ont bloqué, et je pense qu’ils ont eu tort« .

Selon Bennett, les concessions que chaque partie était prête à faire comprenaient le renoncement à l’adhésion future de l’Ukraine à l’OTAN et, du côté russe, l’abandon des objectifs de « dénazification » et de désarmement de l’Ukraine. Comme le fait remarquer DeCamp, cela correspond aux informations rapportées par Axios début mars selon lesquelles « d’après des responsables israéliens, bien qu’elle soit difficile à accepter pour Zelensky, la proposition de Poutine n’est pas aussi extrême qu’ils l’avaient prévu. Ils ont souligné que la proposition n’inclut pas de changement de régime à Kiev et permet à l’Ukraine de conserver sa souveraineté. »

Bennett ne tranche pas avec les personnages peu recommandables qui peuplent le monde d’aujourd’hui. Mais le rapport compliqué d’Israël avec cette guerre débouche sur la publication occasionnelle d’informations qui ne sont pas totalement alignées sur la vision impériale officielle. Et ses commentaires ne font que s’ajouter à une pile d’informations qui sortent depuis des mois et qui vont dans le même sens. Non seulement à propos du sabotage des pourparlers de paix en mars, mais aussi en avril.

En mai de l’année dernière en effet, des médias ukrainiens ont rapporté que le Premier ministre britannique de l’époque, Boris Johnson, s’était rendu à Kiev le mois précédent pour faire passer un message au nom de l’empire occidental : « Poutine est un criminel de guerre, il faut faire pression sur lui, pas négocier avec lui« . Il ajoutait : « Même si l’Ukraine est prête à signer des accords de garantie avec Poutine, l’Occident ne l’est pas« .

En avril de l’année dernière, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a déclaré qu' »il y a des États membres au sein de l’OTAN qui veulent que la guerre continue, qu’on laisse continuer la guerre et que la Russie en sorte affaiblie. » Peu après, le secrétaire US à la Défense, Lloyd Austin, a déclaré que l’objectif en Ukraine était de « voir la Russie affaiblie ».

Dans un article du Foreign Affairs de septembre, Fiona Hill affirme qu’en avril de l’année dernière, un accord de paix était en préparation entre Moscou et Kiev. C’est vraisemblablement l’accord que Johnson et consorts ont pu saboter :

Selon plusieurs anciens hauts fonctionnaires US avec lesquels nous nous sommes entretenus, les négociateurs russes et ukrainiens semblaient s’être provisoirement mis d’accord en avril 2022 sur les grandes lignes d’un règlement intermédiaire négocié : la Russie se retirerait jusqu’à sa position du 23 février, lorsqu’elle contrôlait une partie de la région du Donbass et toute la Crimée, et en échange, l’Ukraine promettrait de ne pas chercher à adhérer à l’OTAN et recevrait à la place des garanties de sécurité de la part d’un certain nombre de pays.

En mars de l’année dernière, Niall Ferguson a rapporté dans Bloomberg que des sources au sein des gouvernements étasunien et britannique lui avaient confié que le véritable objectif des puissances occidentales dans ce conflit n’était pas de négocier la paix ou de mettre fin rapidement à la guerre, mais de la prolonger afin de « saigner Poutine » et de parvenir à un changement de régime à Moscou. Ferguson en conclut que « les États-Unis ont l’intention de poursuivre cette guerre« , et dit avoir d’autres sources pour corroborer cette affirmation :

« La seule finalité actuelle« , a déclaré un haut fonctionnaire de l’administration lors d’un événement privé au début du mois, « est la fin du régime de Poutine. D’ici là, tant que Poutine restera, [la Russie] sera un État paria qui ne sera jamais réintégré dans la communauté des nations. La Chine a commis une énorme erreur en pensant que Poutine s’en sortira. Voir la Russie se faire couper les vivres n’est pas très porteur et ils devront réévaluer l’axe sino-russe. Tout cela pour dire que la démocratie et l’Occident pourraient bien avec recul voir tout ceci comme un moment charnière de renforcement. »

J’ai cru comprendre que des personnalités britanniques de haut rang s’exprimaient dans des termes similaires. On pense que « l’option n°1 du Royaume-Uni est de prolonger le conflit et de saigner ainsi Poutine« . J’entends encore et encore ce genre de langage. Il contribue à expliquer, entre autres, l’absence de tout effort diplomatique de la part des États-Unis pour obtenir un cessez-le-feu.  Cela explique également l’empressement du président Joe Biden à qualifier Poutine de criminel de guerre.

Tous ces éléments étayent largement l’affirmation de Vladimir Poutine qui déclarait en septembre dernier que la Russie et l’Ukraine étaient sur le point de faire la paix peu après le début de la guerre, mais que les puissances occidentales ont ordonné à Kiev de « faire échouer » les négociations.

« Après le début de l’opération militaire spéciale, en particulier après les pourparlers d’Istanbul, les représentants de Kiev ont réagi de manière plutôt positive à nos propositions« , a déclaré Poutine. « Ces propositions visaient avant tout à garantir la sécurité et les intérêts de la Russie. Mais un règlement pacifique ne convenait manifestement pas à l’Occident. C’est pourquoi, après la coordination de certains compromis, Kiev a en fait reçu l’ordre de faire échouer tous ces accords. »

Mois après mois, il a été rapporté que les diplomates US refusaient catégoriquement de s’engager sur la voie diplomatique avec la Russie pour aider à mettre fin à cette guerre. Un refus inexcusable qui n’aurait de sens que si les États-Unis veulent que cette guerre continue. Et les commentaires des responsables US ne cessent de montrer clairement que c’est le cas.

En mars de l’année dernière, le président Biden lui-même a reconnu le véritable enjeu en appelant ouvertement à un changement de régime. Il a ainsi déclaré à propos de Poutine : « Pour l’amour de Dieu, cet homme ne peut rester au pouvoir. » Les déclarations de l’administration Biden indiquent en fait qu’ils s’attendent à ce que cette guerre s’éternise, montrant clairement qu’une fin rapide pour minimiser la mort et la destruction ne manque pas seulement d’intérêt pour l’empire US, c’est tout simplement indésirable.

Les responsables étasuniens admettent de plus en plus ouvertement qu’ils considèrent cette guerre comme utile à leurs objectifs stratégiques. Ce qui contredirait évidemment le récit officiel selon lequel l’empire occidental ne voulait pas de cette guerre et la fiction infantile selon laquelle l’invasion de la Russie n’était pas provoquée. Parmi les exemples récents, citons le discours du chef de la minorité du Sénat, Mitch McConnell, avant la visite de Zelensky à Washington en décembre.

« Le président Zelensky est un leader inspirant« , a déclaré McConnell dans son discours précédant la visite du président ukrainien à Washington. « Mais les raisons les plus fondamentales pour continuer à aider l’Ukraine à détruire et à vaincre les envahisseurs russes sont des intérêts américains froids, durs et pratiques. Aider à équiper nos amis d’Europe de l’Est pour gagner cette guerre est aussi un investissement direct dans la réduction des capacités futures de Vladimir Poutine à menacer l’Amérique, à menacer nos alliés et à contester nos intérêts fondamentaux. »

En mai de l’année dernière, le député Dan Crenshaw a déclaré sur Twitter : « Investir dans la destruction de l’armée de notre adversaire, sans perdre un seul soldat américain, cela me semble être une bonne idée. »

En effet, un rapport du Center for European Policy Analysis, financé par l’empire, intitulé « Ça ne coute pas un rond pour les États-Unis de vaincre la Russie » affirme : « Si les États-Unis doivent dépenser 5,6% de leur budget de défense pour détruire près de la moitié des capacités militaires conventionnelles de la Russie, cela constitue un investissement absolument incroyable. »

En mai de l’année dernière, le sénateur US Joe Manchin a déclaré au Forum économique mondial qu’il s’opposait à toute forme d’accord de paix entre l’Ukraine et la Russie, préférant utiliser le conflit pour nuire aux intérêts russes et espérer écarter Poutine.

« Je suis totalement engagé, en tant que personne, à voir l’Ukraine aller jusqu’au bout avec une victoire, pas avec des sortes de traités ; je ne pense pas que ce soit là où nous sommes ni là où nous devrions être« , a déclaré Manchin.

« Je veux dire qu’il s’agit essentiellement de renvoyer Poutine en Russie et, espérons-le, de se débarrasser de Poutine« , a ajouté M. Manchin lorsqu’on lui a demandé ce qu’il entendait par une victoire pour l’Ukraine.

« Je crois fermement que je n’ai jamais vu, et les personnes avec qui je parle stratégiquement n’ont jamais vu, une opportunité plus grande que celle-ci, pour faire ce qui doit être fait« , a ajouté M. Manchin.

Ensuite, des responsables étasuniens ont déclaré à la presse qu’ils prévoyaient d’utiliser cette guerre pour nuire aux intérêts de la Russie en matière de combustibles fossiles, « avec l’objectif à long terme de détruire le rôle central du pays dans l’économie énergétique mondiale », rapporte le New York Times. Il y a aussi le fait que le département d’État US n’arrête pas de dire à quel point il est formidable que le gazoduc russe Nord Stream ait été saboté en septembre de l’année dernière. Le secrétaire d’État Antony Blinken a ainsi déclaré que le bombardement du Nord Stream « offre une formidable opportunité stratégique« . Et la sous-secrétaire d’État aux affaires politiques Victoria Nuland a déclaré que l’administration Biden était « très heureuse de savoir que le Nord Stream 2 est maintenant, comme vous aimez le dire, un morceau de métal au fond de la mer« .

L’empire US obtient tout ce qu’il veut de cette guerre par procuration. C’est pourquoi il a sciemment provoqué cette guerre, c’est pourquoi il a saboté à plusieurs reprises les efforts de paix après que la guerre ait éclaté, et c’est pourquoi cette guerre par procuration n’a pas de stratégie de sortie. L’empire obtient tout ce qu’il veut de cette guerre, alors pourquoi ne ferait-il pas tout ce qui est en son pouvoir pour entraver la paix ?

L’évidente et impardonnable perversion de tout cela mise à part, l’empire n’a-t-il pas toujours été enclin à casser quelques centaines de milliers d’œufs humains pour son omelette impériale ? Mais c’est un mal insondable, impardonnable, et cela devrait scandaliser tout le monde.

 

Source originale: Le blog de Caitlin Johnstone

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