Le “fascisme gris”, devant la défaite géopolitique annoncée, va-t-il se radicaliser?
Je reprends et j’approfondis la notion de “fascisme gris”, qui me semble la plus opératoire pour comprendre le moment occidental que nous vivons. Nous devons approfondir tout ce qui a été dit à propos du “Great Reset”. Ce dernier reposait – en tout cas dans la tête de Klaus Schwab – sur la coopération entre le système occidental et le système chinois. A partir du moment où l’Occident fait de la Chine de Xi Jinping son ennemie, il devient plus facile d’isoler les caractéristiques du système occidental progressiste en phase terminale, en particulier pour en anticiper les raidissements et les derniers spasmes, qui ne manqueront pas d’être très dangereux pour nos sociétés.
Juste après la mise en place du “passe sanitaire” par Emmanuel Macron à l’été 2021, j’avais proposé de désigner le régime occidental actuellement dominant en Occident comme “fascisme gris“.
Le “fascisme gris”: définition
J’appelle “fascisme gris” le système de pouvoir qui se met en place dans les pays occidentaux et dont Emmanuel Macron est devenu le visage en France. Ce système politique est l’expression totalitaire du progressisme occidental entré en phase terminale.
Ce néo-fascisme est gris parce qu’il veille à rester indéfinissable, en termes de régimes politiques, nie son essence dictatoriale et conserve autant que possible, les apparences de la démocratie. Mais c’est l’une des caractéristiques du fascisme – sa grande différence avec le communisme – que de vouloir apparaître “présentable”, sauver les apparences.
Le capitalisme de connivence et son système monétaire
Comme le fascisme historique, le système qui se met en place est fondé sur l’alliance entre les grandes entreprises, les grandes fortunes, la haute fonction publique, les élites culturelles, politiques, militaires, les grands médias, pour confisquer le pouvoir à leur profit.
Le “fascisme gris” est une version avancée du capitalisme de connivence. Mais sa lignée est bien identifiable. Dans L’Aigle et le Léopard, récemment paru, Eric Branca rappelle de manière opportune comment la finance britannique et américaine a largement financé le fascisme italien et le national-socialisme en ascension. Dans Liberal Fascism, Jonathan Goldberg montre comment le progressisme américain, largement inventé par Wilson et progressivement mis en place par le parti démocrate américain tout au long du XXè siècle, est, dans sa rhétorique, dans ses références économiques, dans ses manipulations monétaires, un cousin du fascisme.
Joël Kotkin a raison de souligner ce qui le différencie du néo-maoïsme de Xi Jingping. En Chine, l’Etat est aux commandes, en Occident ce sont de très grandes entreprises qui donnent le la. Mais il faut aller plus loin. Le fascisme a toujours détesté l’étalon-or et l’idée d’un système monétaire non manipulable. Du banquier de Hitler, Hjalmar Schacht aux banquiers centraux d’aujourd’hui, il y a la mise en place d’un système intégral de “fiat currency”, destiné à permettre toutes les manipulations. Ce n’est pas un hasard si la Banque des Règlements Internationaux, créée pour escamoter la question des réparations allemandes, est devenue aujourd’hui la clé de voûte du fascisme monétaire abouti: le système de l’étalon-dollar.
Capitalisme de surveillance
Fondé sur le potentiel de contrôle maximal des outils numériques, le “fascisme gris” repose sur ce que Shoshana Zuboff appelle capitalisme de surveillance. En réalité, contrairement à la thèse marxiste, le fascisme a toujours aspiré à utiliser le capitalisme comme un instrument de contrôle social.
Le fascisme historique s’est construit sur la montée en puissance des technocrates. Bruno Rizzi, qui avait fui l’Italie fasciste puis James Burnham, auteur du livre bien connu, The Managerial Revolution, ont dressé le portrait, dès les années 1930, d’une “bureaucratisation du monde”. La grande entreprise est depuis longtemps le lieu d’une surveillance de ses employés. Elle est devenue aujourd’hui, l’un des lieux d’embrigadement idéologique (woke) les plus marqués.
Le capitalisme de connivence et de surveillance est à la pointe de la fabrication et de la diffusion d’outils de contrôle des citoyens et des sociétés. Il est moteur dans la mise en place d’une censure de la liberté d’expression.
Malthusianisme, contrôle des naissances, eugénisme, contrôle sanitaire, écologie punitive, anti-spécisme
Le “fascisme gris” est fondé, comme le nazisme, sur une ambition prométhéenne de contrôle de la démographie – transposée à l’échelle mondiale. Ses penseurs analysent les défis environnementaux selon les termes d’une version à pleine modernisée de “l’espace vital”. A cela, rien d’étonnant. Le malthusianisme est une invention britannique. Le social-darwinisme, l’eugénisme ont conquis l’espace anglophone et scandinave avant même que l’Allemagne nazie ne les portent au gouvernement.
Après 1945, on n’a pas vraiment dénazifié les mentalités anglo-américaines de ce point de vue! L’obsession de la surpopulation de populations considérées comme sous-éduquées a été un moteur puissant pour répandre ce que le pape Jean-Paul II appelait une “culture de mort”. On lira à ce propos les livres du Père Michel Schhooyans qui révélait, dès les années 1980 combien, derrière le discours d’émancipation des femmes du monde entier grâce à la contraception et à l’avortement, le gouvernement américain et l’ONU poursuivaient une politique d’extinction d’une partie de la population mondiale.
Pour mieux comprendre la manière dont le nazisme a porté au pouvoir un mélange explosif d’écologie, d’antispécisme, d’eugénisme et de contrôle social par une médecine instrumentalisée, on lira les enquêtes stimulantes de Mikko Paunio.
Ici même, Jean Goychman, a publié plusieurs article sur la naissance de l’écologie punitive moderne, sous l’impulsion de la Fondation Rockefeller et des architectes de la finance occidentale, pour insuffler la peur à la population du monde après la fin de la Guerre froide et poser les bases d’un gouvernement mondial.
Nous proposons, depuis plus de deux ans un décryptage des politiques sanitaires mondiales comme politiques de contrôle, qui doivent servir elles aussi, à l’établissement d’un gouvernement mondial. Le cas de la vaccination contre le COVID, en Occident, est intéressant dans la mesure où la constellation Big Pharma/gouvernements/organisations internationales exprime bien la réalité du “fascisme gris”.
Le “fascisme gris” a sa dystopie, comme le nazisme. La planète doit être aménagée pour une minorité de “seigneurs” ayant accès aux technologies du transhumanisme pour acquérir l’immortalité tandis que le reste de la population doit être soumis au contrôle des naissances et à des logiques mortifères de décroissance. Si l’on pense que j’exagère, j’ai entendu de mes propres oreilles Jeffrey Sachs expliquer dans un cadre universitaire que la terre se porterait mieux avec 250 ou 300 millions d’humains seulement.
La théâtralisation de la guerre, le dépassement de la nation et l’épouvantail “d’extrême-droite”
Plus proche, cette fois, du modèle mussolinien que de la référence hitlérienne, le “fascisme gris” met en scène des guerres “théâtrales” – qu’il a d’ailleurs autant de mal à gagner que l’Italie des années 1930, comme le montre le fiasco afghan, déjà acté ou, celui, encore nié par les médias, de la guerre d’Ukraine.
A première vue, le “fascisme gris” a pris ses distances avec le culte de la guerre qui caractérisait les années 1920 et 1930 en Allemagne et en Italie. En réalité, on ne comprend pas le fascisme italien, ni même son homologue allemand, si l’on fait abstraction d’un décalage très important entre l’exaltation verbale de la guerre et l’adulation des populations pour leurs dictateurs tant qu’ils gagnaient leurs batailles diplomatiques sans avoir besoin de faire la guerre.
Le “fascisme gris” nous offre d’ailleurs un cas d’école: l’exaltation par procuration du nationalisme ukrainien, qui vit en grande partie du culte de la guerre et a laissé prospéré les bataillons néo-fascistes en son sein. Les fascismes n’exaltaient leur nation que pour mieux la dépasser: dans un nouvel “empire romain” ou dans la fusion des races nordiques. Aujourd’hui, nous avons une situation qui n’est aberrante qu’en apparence, si l’on ne connaît pas la véritable histoire du fascisme; les Européens d’aujourd’hui exaltent Zelensky à la manière dont les Italiens fêtaient Mussolini; tant que la guerre restait loin ou objet de discours.
Le “fascisme gris” est allé au bout de la mutation entamée après 1945; de nationaliste, il est devenu internationaliste; de raciste il est devenu antiraciste. Ses milices se disent “antifa” mais dès qu’on les laisse faire elles emploient une violence de rue stratégiquement pensée au service du pouvoir débouchant immanquablement sur un désir d’ordre dans les populations – selon une mécanique dont Mussolini l’ancien homme d’extrême gauche, avait expérimenté le succès.
Le “fascisme gris” est même allé plus loin: il dénonce en permanence “l’extrême-droite”. Il rejette de manière démonstrative et théâtrale tout ce qui caractérise l’échec et les crimes du fascisme historique. Mais c’est pour mieux dissimuler que la plus grande partie du fascisme a survécu, au cœur du monde occidental, en se métamorphosant.
La construction européenne
John Laughland, et bien d’autres auteurs depuis son ouvrage fondamental de 1997, The Tainted Source, que j’ai traduit en français au début des années 2000, sous le titre La liberté des nations, ont montré l’importance qu’eut pour le fascisme italien ou allemand, la perspective d’une unification de l’Europe qui dépasse les nations!
Beaucoup de fascistes, de nazis, de collaborateurs, se sont recyclés plus facilement, après 1945, non seulement grâce à la Guerre froide et l’anticommunisme mais aussi grâce à l’exaltation d’une technocratie européenne permettant de dépasser les nations, selon un modèle pensé en pleine guerre et dans la collaboration.
On ne comprend pas l’absence de démocratie dans la construction européenne si on ne voit pas cette filiation (partielle) venue du fascisme.
Le fascisme de populations vieillissantes.
Le néo-fascisme qui s’est emparé de nos sociétés est gris comme le “pouvoir gris“, le vote des classes âgées, dont il a tiré à l’origine sa puissance électorale. Il s’est imposé dans des populations vieillissantes, en flattant le désir de stabilité de la rente et de monnaie forte, aux dépens de l’investissement, de l’éducation et des jeunes générations.
A l’abri de ce qu’il a pensé être, pendant longtemps, une machine militaire inexpugnable, le fascisme gris a prétendu imposer son système au monde entier. Sa monnaie et ses “valeurs”. Pendant longtemps, il a d’ailleurs bombardé de petits pays qui refusaient soit ses “valeurs”, soit sa monnaie; le dollar.
Une des caractéristiques du “fascisme gris” est que beaucoup des valeurs qu’il entend imposer tournent autour de sexualités “post-modernes”. L’idéologie du genre repose sur un transfert du volontarisme fasciste de la collectivité à l’individu. Mais il s’agit toujours de se créer une “identité”. Il est d’ailleurs fascinant de voir des drapeaux ukrainiens lors des gay prides. Le “Make Love Not War” de 1968 a laissé la place au fantasme sur la guerre comme un “aphrodisiaque”. J’avais identifié ce transfert, en compagnie de Michel Terestchenko lorsque, dans Les Complaisantes, nous avions analysé le succès (malsain) du (très mauvais) roman de Jonathan Littel, Les Bienveillantes.
Plus récemment, le “fascisme gris” a exprimé son identité dans “cinquante nuances de gris” livre et film culte de classes moyennes supérieures fascinées par le sado-masochisme. Christian Grey est le symbole archétypique de l’élite mondialiste et le contrat qui le lie à la jeune Anastasia Steele – un contrat sans cesse remise en cause et reformulé par le renforcement de la pulsion dominatrice de Grey – est le symbole parfait de la manière dont les élites mondialistes et leurs soutiens “bobos” conçoivent le gouvernement des peuples. Le passe sanitaire en est une transposition au domaine de la santé.
Vers une radicalisation du “fascisme gris”?
Le grand problème des débats sur le basculement de régime que nous vivons, c’est qu’on n’a pas en tête la modernité du fascisme – comparé au communisme – largement fondé sur la coopération volontaire des administrés aux politiques de coercition et la sélection d’une élite complice dont on flatte les pulsions individualistes au service de la cause. Tout ce que nous a appris la réflexion sur le totalitarisme, depuis presque un siècle, c’est que ce dernier est d’autant plus efficace qu’il est indirect et se vêt des atours de la liberté.
La question se pose, malgré tout, d’une radicalisation, dans les mois à venir, du “fascisme gris”. L’inéluctable défaite dans la “guerre menée jusqu’au dernier Ukrainien” et le basculement géopolitique du monde – l’Amérique latine, l’Afrique, la plus grande partie de l’Asie rejettent la manière typiquement fasciste dont l’Occident gère les relations internationales: reniement de la parole donnée, incapacité de respecter les frontières reconnues par les traités, recours à la guerre dès que l’on n’obtient pas ce qu’on veut….. Comme je le montre dans mes chroniques géopolitiques, la partie est perdue pour l’Occident.
Du coup, ce dernier va-t-il être tenté de compenser sa défaite extérieure par une radicalisation au sein des sociétés qu’il domine?
La dédollarisation en cours du monde débouche-t-elle inévitablement sur le dollar et l’euro numérique conçus comme des instruments de renforcement du capitalisme de connivence et de surveillance? Va-t-on aboutir, du fait de l’échec des sanctions contre l’Ukraine, à une concentration toujours plus forte du capital occidental? Est-on condamné à une militarisation croissante de l’économie – ce qui d’ailleurs ramènerait le danger de guerre ?
Le passe carbone, l’hystérisation croissante du discours sur l’écologie, la mise en scène d’une nouvelle pandémie. Tout est envisageable, dans les prochains mois. Attendons-nous à une censure renforcée, à une surveillance renforcée des individus, à la fuite en avant dans les lois dites sociétales. Elle risque d’être d’autant plus frénétique que l’establishment perd la main.
Il est probable, en particulier, que le cœur du “fascisme gris”, aux États-Unis fera tout pour empêcher un retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Mais attendons-nous aussi à un renforcement de la fuite en avant des hauts fonctionnaires européens dans une fédéralisation des institutions. Et, en France, à la multiplication des entorses à la constitution par le régime Macron.
Cependant, quand nous savons nommer l’adversaire, il est plus facile de le combattre.
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/05/29/le-fascisme-gris-devant-la-defaite-geopolitique-annoncee-va-t-il-se-radicaliser/
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