lundi 28 août 2023

ENCORE ET ENCORE

 L’Argentine au bord du précipice politique – encore une fois.

Par Peter Koenig pour Mondialisation.ca


“Don’t Cry for me Argentina”

Chanté par  Madonna [Original chanté pour la première fois par Julie Covington]

*

Don’t Cry For Me Argentina
(Ne Pleure Pas Pour Moi Argentine)

It won’t be easy, you’ll think it strange
Ce ne sera pas facile, tu penseras que c’est étrange
When I try to explain how I feel
Quand j’essaierai de t’expliquer comment je me sens
That I still need your love after all that I’ve done
Que j’ai toujours besoin de ton amour après tout ce que j’ai fait

You won’t believe me
Tu ne me croiras pas
All you will see is a girl you once knew
Tout ce que tu verras est une fille que tu as une fois connue
Although she’s dressed up to the nines
Bien qu’elle soit habillée sur son trente-et-un
At sixes and sevens with you
Sans dessus-dessous avec toi

I had to let it happen, I had to change
Je devais laisser cela arriver, je devais changer
Couldn’t stay all my life down at heel
Je ne pouvais rester toute ma vie en bas à tes talons

Looking out of the window, staying out of the sun
Regardant dehors à travers la fenêtre, restant loin du soleil

So I chose freedom
Alors j’ai choisi la liberté
Running around, trying everything new
Courant autour, essayant tout ce qui est nouveau
But nothing impressed me at all
Mais rien ne m’a impressionné en aucune façon
I never expected it to
Je ne m’y étais jamais attendu

(Refrain)
Don’t cry for me Argentina
Ne pleure pas pour moi Argentine
The truth is I never left you
La vérité c’est que je ne t’ai jamais quittée
All through my wild days
Tout à travers mes jours sauvages
My mad existence
Ma folle existence
I kept my promise
J’ai tenu ma promesse
Don’t keep your distance
Ne garde pas ta distance

And as for fortune, and as for fame
Quant à la fortune et à la célébrité
I never invited them in
Je ne les ai jamais encouragées
Though it seemed to the world they were all I desired
Bien qu’elles semblent être pour le monde tout ce que je désirais

They are illusions
Ce sont des illusions
They are not the solutions they promised to be
Elles ne sont pas les solutions qu’elles promettaient d’être
The answer was here all the time
La réponse était ici tout le temps
I love you and hope you love me
Je t’aime et j’espère que tu m’aimes

Don’t cry for me Argentina
Ne pleure pas pour moi Argentine

(Chorus)
(Refrain)

Have I said too much?
En ai-je trop dit ?
There’s nothing more I can think of to say to you.
Il n’y a rien d’autre que je pense pouvoir te dire
But all you have to do is look at me to know
Mais tout ce que tu dois faire est de me regarder pour savoir
That every word is true
Que chaque mot (que j’ai dit) est vrai

(Traduction : https://www.lacoccinelle.net/243205-madonna-don-t-cry-for-me-argentina.html)

*

Ces paroles – mélancoliques et tristes – peuvent avoir de nombreuses interprétations. L’une d’elles est Eva Perón, décédée à l’âge de 33 ans en 1952, épouse du président argentin Juan Perón (1946 à 1955 et 1973 à 1974). Eva Peron, ou Evita, se tenait aux côtés du président. Eva n’était pas seulement la chef spirituelle de l’Argentine, elle occupait également de facto le poste de ministre du Travail et de ministre de la Santé.

Eva était un véritable phénomène de société, une rebelle à l’époque. Eva a révolutionné la politique en Argentine. Derrière la saveur socialiste – comme dans les véritables politiques sociales – qui marquait le terme péronisme ou mouvement péroniste, se tenait Eva Peron.

Après que le président Peron ait supprimé les subventions gouvernementales à la traditionnelle Sociedad de Beneficencia (en espagnol : « Société d’aide »), se faisant ainsi encore plus d’ennemis parmi les partisans de l’élite traditionnelle, Eva a remplacé les subventions par une Fondation Eva Peron. Elle a reçu le soutien et les dons des syndicats et des entreprises, ainsi que des contributions substantielles de la loterie nationale et d’autres fonds.

Eva a utilisé ces différentes ressources pour créer des milliers d’hôpitaux, d’écoles, d’orphelinats, de foyers pour personnes âgées et d’autres institutions charité.

Eva fut également en grande partie responsable de l’adoption du droit de vote des femmes et elle fonda le Parti féministe en 1949.

Eva Peron a fait tout cela – elle n’avait que 33 ans lorsqu’elle est décédée.

Pourquoi l’histoire d’Eva Peron est-elle importante l’approche des élections législatives et présidentielles d’octobre 2023 ?

Cette chanson, Don’t Cry For Me Argentina (Ne pleure pas pour moi Argentine) – est peut-être la chanson de combat spirituel d’Eva, rappelant aux gens, à ses compatriotes argentins, maintenant qu’elle est là, avec eux, qu’elle les accompagnera dans les moments difficiles et que son cœur bat pour l’Argentine, plus fort, bien plus fort que le rythme infâme, tentant une fois de plus de ruiner ce grand pays, composé de personnes instruites, intelligentes et disposées à travailler, et de ressources, au profit d’une petite élite et de prédateurs étrangers.

La même histoire, maintes fois répétée à travers le monde.

L’esprit d’Eva sont encore présent, avec le peuple argentin, dans ce vaste et magnifique pays – « Ne pleure pas pour moi, je suis avec toi. »

Flash Forward [Saut en avant] jusqu’en 2023

Lorsque la vice-présidente argentine Cristina Fernandez, épouse du regretté Nestor Kirchner, a officiellement déclaré en mai dernier qu’elle ne se présenterait pas à la présidence en octobre 2023, cela a semblé donné un coup dur au mouvement péroniste. Appelez cela le « péronisme de Kirchner ». Ils avaient fait beaucoup pour sortir l’Argentine d’un endettement considérable, provoquées par la dollarisation de l’économie argentine en 1991,avec la complicité des États-Unis et du FMI, par le président Menem.

Madame Fernández, qui a été présidente de 2007 à 2015, a rendu publique sa décision à travers une déclaration sur son site Internet dans laquelle elle a critiqué le pouvoir judiciaire, accusant les tribunaux d’avoir tenté de lui interdire de se présenter à nouveau aux élections, démontrant ainsi l’alliance du pouvoir judiciaire avec l’opposition.

Avec sa décision, Fernández, de centre-gauche, plonge le parti péroniste au pouvoir dans le désarroi, dans un contexte d’incertitude quant à savoir qui pourrait être son candidat aux élections présidentielles de cette année.

La doctrine Menem de la dollarisation était exclue dès le début.

Aucun pays ne peut adopter la monnaie d’une autre économie sans échouer économiquement. Cela a duré 10 ans avant que la chute totale ne se produise en 2001/2002. Entre 40 et 60 % des chômeurs, des ingénieurs aux médecins en passant par les ouvriers, tous dans la rue, certains dans leurs plus beaux habits, se désolaient de devoir mendier pour survivre… c’était l’un des plus tristes tableaux à voir.

Le péronisme de Kirchner – à l’image d’Eva – a sauvé le pays avec une dévaluation de 200 % du peso, qui a été séparé du dollar en 2001. Presque tous les créanciers (97 %) y ont participé et ont finalement accepté de négocier la réduction de la dette. Environ 75 % de la dette totale a été « annulée », notamment avec la bénédiction du FMI. En moyenne, vingt-cinq pour cent de la dette devaient encore être remboursés sur une période de dix ans.

L’Argentine était en pleine croissance (prospère) même pendant la crise économique mondiale de 2008/2010.

La croissance annuelle est passée d’une moyenne de plus de 10 % à environ 4 à 5 % pendant la crise, puis a repris. Mme Cristina Fernández Kirchner, veuve du regretté Nestor Kirchner, a été élue présidente et a exercé cette fonction jusqu’en 2015, laissant un pays en voie de redressement – un pays pratiquement sans dette, pour ainsi dire – au président suivant, Mauricio Macri, un  » instrument  » néolibéral d’extrême droite mis en place par l’élite occidentale représentée par le FMI et la cabale financière qui se cache derrière le FMI.

M. Macri, qui était gouverneur de Buenos Aires, a remporté les élections de 2015 contre le candidat pro-péroniste Daniel Scioli, avec lune marge très étroite de 1,4 %. Dans des circonstances normales, une marge aussi faible justifierait un recomptage. La plupart des analystes pensaient qu’il y avait eu fraude électorale. Mais un recomptage n’a pas été accordé. Il est fort probable que les élections aient été truquées.

Bien entendu, logiquement, le FMI et tous les créanciers occidentaux qui ont perdu -malgré leur accord,- d’importantes sommes d’argent lors des renégociations de la dette, ont voulu récupérer d’une manière ou d’une autre leur part du gâteau. Macri était donc le candidat idéal. Il a immédiatement replongé l’Argentine dans la dette, en faisant appel au FMI, à la Banque mondiale et à tous les bandits habituels.

En peu de temps, l’Argentine s’est retrouvée endettée, l’inflation et le chômage ont grimpé en flèche, la pauvreté est passée de près de 70% au plus fort de la crise de 2001/2002 à moins de 10% lorsque Mme Cristina Kirchner a quitté la présidence, est revenue au-dessus de 40 %, en moins de deux ans du régime Macri.

Vous pouvez appeler cela la vente institutionnelle d’une nation qui a réussi à sortir d’une crise pour devenir un pays confortable avec un revenu moyen… un vol délibéré de la part de nos illustres et, oui, hautement criminelles institutions de Bretton Woods.

Mme Cristina étant poursuivie en justice – un peu comme Donald Trump aux États-Unis – et elle ne pourra donc plus se présenter à la présidence. Parce que si elle le faisait, il y a de fortes chances qu’elle remporte une victoire écrasante et elle redonnerait son pays au peuple argentin.

Aujourd’hui, les pouvoirs en place, à l’aide de médias achetés, dénoncent le péronisme comme du populisme… tout comme le courant dominant occidental critique tout ce qui se distance du mondialisme hégémonique dicté par les États-Unis. Le populisme est méprisé par l’élite et par les journalistes qui sont payés pour cela, et qui n’ont aucune idée de ce que signifie réellement le « populisme », à savoir un programme politique répondant aux besoins du peuple – quelle meilleure démocratie que celle-là !

Avec Cristina Fernández évincée, les péronistes n’étaient pas préparés à proposer un(e) candidat(e) alternatif(ve) et bien formé(e). Il n’est donc pas surprenant que la seule véritable opposition, le parti libertaire d’extrême droite, qui a une alliance internationale avec le parti néonazi espagnol controversé Vox, mette en avant son candidat Javier Milei.

Image : Javier Milei dans VIVA22. (Sous licence CC0)

M. Javier Milei est un homme politique argentin qui se dit économiste. Depuis décembre 2021, Milei occupe le poste de député national à Buenos Aires. Il est venu littéralement de nulle part pour conquérir 30 % de l’électorat lors des primaires et il est soudainement devenu le favori pour les élections présidentielles d’octobre 2023. Ce résultat a provoqué une onde de choc au sein de l’establishment politique dans toute l’Amérique latine.

Les péronistes et les partis de gauche associés ont disparu ; aucun candidat valable ; et les péronistes ne sont pas prêts à vaincre le néonazi Javier Milei, qui a déclaré qu’il ramènerait immédiatement l’Argentine à la dollarisation complète, dissoudrait la Banque centrale argentine – et que l’Argentine redeviendrait – à nouveau – une économie entièrement dollarisé.

Milei a cité l’Équateur, un pays toujours en crise, comme un exemple à suivre. En janvier 2000, après un coup d’État, le nouveau président ultraconservateur de l’Équateur, Gustavo Noboa, avec l’aide du FMI, a adopté le dollar américain comme monnaie nationale, abandonnant ainsi le sucre qui était la monnaie officielle de l’Équateur [1884 à 2000]. Milei aurait certainement l’appui du FMI et, bien entendu, de Washington. Ces derniers aimeraient que toutes les richesses de l’Argentine soient dollarisées.

À peine 30 ans après la désastreuse dollarisation de Menem en 1991, qui a conduit à l’effondrement économique le plus catastrophique de l’histoire de l’Amérique latine, Milei veut revenir en arrière et adopter la dollarisation complète [officielle]. Selon Milei, c’est le seul moyen de lutter contre l’inflation.Bien entendu, ce n’est pas le cas. Au contraire. Le coût de la vie augmentera, tout comme l’inflation – et le revenu, ou le pouvoir d’achat, des classes défavorisées diminuera encore plus.

Selon l’Independent Commodity Intelligence Services (ICIS), qui couvre 143 pays dans le monde, l’inflation en Argentine devrait atteindre 147 % avec une baisse du PIB pouvant atteindre 3,5 % en 2023. Avec une dollarisation complète, l’Argentine pourrait connaître une baisse très brève de l’inflation (comme ce fut le cas au début des années 1990), mais ensuite – en jouant avec le feu – ou avec la monnaie d’une autre économie, le coût de la vie va probablement monter en flèche et la pauvreté exploser jusqu’à ce que l’économie s’effondre – quand le pays sera dépouillé de toutes ses richesses. .

Cela évoque – une fois de plus – la chanson de l’esprit d’Eva :

« Ne pleure pas pour moi, Argentine », « La vérité est que je ne t’ai jamais quitté « Tout au long de mes jours fous, de ma folle existence « J’ai tenu ma promesse……. « Je n’ai rien d’autre à te dire. » Mais tout ce que tu as à faire c’est de me regarder pour savoir « Que chaque mot est vrai. »

… ce qui signifie : « Je suis avec toi et je ne te laisserai pas tomber. »

*

Dernières nouvelles du Sommet des BRICS à Johannesburg, en Afrique du Sud :

L’alliance BRICS, qui compte actuellement 5 membres (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), invite 6 nouveaux membres – l’Argentine, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Iran, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis à rejoindre le groupe BRICS Voir ceci  et cela .

C’est une bonne nouvelle pour l’Argentine. Car l’une des principales priorités des BRICS, qui comptent aujourd’hui 11 pays, est la dédollarisation. Il pourrait être difficile pour n’importe quel président, y compris le candidat présidentiel argentin Javier Milei, de dollariser complètement l’Argentine.

Les 11 membres des BRICS dépassent de loin le G7. Les nouveaux pays du BRICS représentent plus de 50 % de la population mondiale et environ 40 % du PIB mondial. A titre de comparaison, le G7 représente 800 millions d’habitants et 27 % du PIB mondial (2022). Combien de temps encore le G7 continuera-t-il à essayer de convaincre le monde qu’il prend les devants ?

Peter Koenig

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