La situation en Syrie reste tendue, avec des manifestations et des grèves antigouvernementales qui se poursuivent dans le gouvernorat de Soueïda, majoritairement peuplé de Druzes. Cette région est pratiquement hors du contrôle de Damas, et les autorités locales sont incapables de rétablir un contrôle total. Il s’agit de la dernière d’une série d’agitations dans ce gouvernorat syrien depuis 2019. Plus important encore, l’amplitude de l’activité de protestation augmente à chaque fois.
Parallèlement, dans le gouvernorat voisin de Deraa, où un processus de réconciliation entre les forces gouvernementales et l’opposition est en cours depuis 2018, des centaines de Syriens descendent également dans les rues pour protester contre la détérioration des conditions de vie. Les protestations dans le sud de la Syrie, que ce soit à Deraa ou à Soueïda, deviennent de plus en plus politiques et sont désormais dirigées directement contre le gouvernement syrien. Auparavant, ces actions étaient principalement menées sous des slogans économiques et des appels à résoudre les problèmes sociaux.
Le principal défi posé par les manifestations d’août pour Damas est leur similitude avec les événements du Printemps arabe de 2011-2012. Ces évènements avaient également commencé en Syrie avec une montée progressive des protestations et une évolution de leurs slogans des questions socioéconomiques aux demandes de changement de régime. Beaucoup dépendra de la manière dont se comporteront les Syriens sunnites des régions centrales de la Syrie – Damas, Homs et Hama avec Alep. Il existe des prémisses pour un nouvel effondrement et un nouveau soulèvement en Syrie, car le problème de la survie face à la famine pourrait surmonter la peur des répressions.
Après 11 ans de conflit, plus de 60% des Syriens, soit 12 millions de personnes, sont confrontés à la faim, et chaque jour ils se demandent comment ils vont nourrir leurs familles. 90% de la population syrienne vit aujourd’hui dans la pauvreté. Les prix moyens des denrées alimentaires dans le pays sont plus élevés qu’à tout autre moment au cours des 10 dernières années.
Au cours des années de guerre civile, le niveau de corruption dans le pays n’a fait qu’augmenter. Paradoxalement, la réduction de l’activité armée n’a pas apporté de résultats positifs pour l’économie syrienne. Au contraire, la transformation des unités progouvernementales en cartels clandestins et la redistribution verticale des actifs sont des phénomènes extrêmement dangereux qui exacerbent davantage la situation économique catastrophique dans le pays et privent les Syriens de leurs dernières ressources.
Dans le même temps, il ne faut pas négliger l’impact des sanctions occidentales contre la Syrie. Elles maintiennent une tension interne dans le pays et rendent le processus de reconstruction difficile à réaliser. Le soi-disant Cesar Act, adopté par les États-Unis, est particulièrement nuisible à cet égard. Cette loi impose des restrictions à toutes les entreprises et particuliers qui collaborent avec les institutions officielles syriennes, y compris pour la reconstruction du pays.
Les autorités syriennes elles-mêmes sont réticentes à respecter les conditions posées par les États arabes, qui permettraient de commencer à fournir une aide à la Syrie. Cela concerne la création de conditions pour le retour des réfugiés, la cessation des répressions politiques et la fermeture des voies d’approvisionnement illégales en drogues syriennes, telles que le captagon, qui inonde le Moyen-Orient, entre autres.
Alexandre Lemoine
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