vendredi 22 mars 2024

UN PEU D'HISTOIRE

 



En cette période de ramadan, aidons nos camarades musulmans à se défaire d'un autre mensonge tenace - aussi bien répandu en Orient qu'en Occident - qui les enferme dans une vile superstition : l'âge d'or de l'Islam.


La preuve la plus éclatante de la déchéance du monde oriental réside dans cette nostalgie unanime des temps où les arts, la philosophie et les sciences s'y déployaient, comme pour souligner le contraste entre ce passé glorieux et son état actuel.
Mais la notion d'âge d'or islamique est trompeuse.

Elle fait oublier que les sociétés dominées par les premières dynasties omeyyades, puis abbassides n'étaient pas majoritairement musulmanes.

Dans le Moyen-Orient dominé par les Omeyyades, les musulmans ne forment qu’une petite caste conquérante minoritaire, « l’arabisation des populations, surtout en milieu urbain, n’étant pas toujours synonyme d’islamisation », rappelle l'historien Jean-Pierre Filiu. Une majorité de la population, surtout en Syrie (capitale des Omeyyades), « demeure chrétienne, même si la fiscalité discriminatoire à l’encontre des gens du Livre constitue dans la durée un puissant encouragement à la conversion ».

Son confrère John Tolan abonde en ce sens : « ces califats omeyyades et abbassides qu’on appelle à tort le monde musulman étaient des empires multiconfessionnels et multiculturels [...] la société du calife s’islamisait mais les musulmans demeurèrent une minorité numérique pendant encore des siècles », au point que certains auteurs suggèrent que les chrétiens étaient encore majoritaires en Syrie et en Haute Mésopotamie au moment des premières croisades.

Telle est la malédiction de l’Islam : ce qu'on appelle son âge d'or correspond à la période la moins islamique de son histoire. Sans doute est-ce pourquoi Renan estimait que « l’islam a été libéral quand il a été faible, et violent quand il a été fort », même si le séminariste défroqué n’était pas plus tendre avec le christianisme, sans que personne n’accuse de christianophobie celui qui a profané la vie de Jésus (en obtenant un véritable succès de librairie) et qui estimait qu’il ne faut pas remercier les religions pour ce qui est né malgré elles.

Sans récuser la notion de civilisation musulmane, l'orientaliste français Maxime Rodinson concède qu’elle omet d’indiquer que des chrétiens et des juifs participèrent de façon importante aux créations prestigieuses et à la plupart des traits culturels de l’aire dominée par l'Islam.
L’historien maghrébin Ibn Khaldoun crédite lui aussi les chrétiens d’Orient d’avoir été les principaux artisans de la transmission des sciences à la nouvelle caste dominante, en oubliant quelque peu le rôle des Juifs et des Sabéens. Tandis qu’ils furent longtemps astreints à un mode de vie rudimentaire et nomade, les musulmans « conçurent le désir d’étudier les sciences philosophiques, parce qu’ils en avaient entendu parler par les évêques et les prêtres qui administraient les peuples tributaires » (Source : les Prolégomènes)

Le rôle des infidèles pour assouvir cette soif de connaissance était décisif : eux seuls maniaient plusieurs langues et pouvaient transférer le savoir grec en arabe. Pourquoi insister sur l'identité confessionnelle des traducteurs, comme si cela avait une quelconque importance ?

En effet, certains ont soutenu que la présence massive de juifs et de chrétiens parmi les traducteurs s'expliquait avant tout par des considérations linguistiques. Les chrétiens d'Orient maniaient le syriaque, une langue sémitique proche de l'arabe. Ils étaient donc particulièrement qualifiés pour jouer les intermédiaires entre l'hellénisme et le monde arabe. Toutefois, cette explication ne dit pas pourquoi les musulmans ont été peu nombreux à se familiariser avec le syriaque, l'hébreu, voire, soyons fou, les autres langues de culture (comme le grec) qui foisonnaient dans leur riche environnement, puisqu'il faut rappeler que les musulmans ont dérobé à l'Empire byzantin les provinces les plus riches et peuplés de la Méditerranée antique (chacun peut voir comment ils ont sabordé cet héritage).

Dès lors, l’importance de l’identité confessionnelle des traducteurs qui ont enrichi le patrimoine immatériel arabe rejaillit lorsque l’orientaliste Bernard Lewis rappelle que, pour les musulmans, « utiliser l’écriture des infidèles équivalait pour eux à une sorte d’acte d’impiété, et peu nombreux furent, en effet, ceux qui apprirent une langue étrangère. Les langues non musulmanes étaient inconnues, hormis ce qu’en avaient rapporté les convertis à l’islam [...] Avant le XVIIIIe siècle, pas un savant ou homme de lettres musulman ne semble avoir cherché à apprendre une langue occidentale et encore moins à élaborer une grammaire, un dictionnaire ou d’autres outils linguistiques. Les traductions sont peu nombreuses et très espacées dans le temps. Celles que nous connaissons concernent des ouvrages choisis dans un but utilitaire et sont l'œuvre de convertis ou de non-musulmans ».

Lewis note que le mépris des cultures infidèles s’appuyait sur une parole attribuée à Mahomet qui avertit que « quiconque imite un peuple en fait partie ». Ce dédain pour les langues infidèles est le symptôme d’une plus vaste indifférence que les musulmans ont cultivé pour la chrétienté, ses conflits, son histoire, sa géographie, ses institutions, ses mœurs, ses techniques, sa philosophie et sa littérature. Ils ne peuvent s’enorgueillir d’avoir éprouvé pour les Européens le dixième de la curiosité que ces derniers ont cultivée pour l’Islam ou d’autres civilisations, à tel point que les études européennes sur le Moyen-Orient à la fin du XVIIIe siècle « devançaient déjà largement celles des musulmans eux-mêmes ».

Ce mépris musulman de l'altérité a même fini par être épinglé par Edward Saïd, le contempteur de l'orientalisme, qui notait en 2002 : « Ce qui nous fait réfléchir est qu’il y a aux Etats-Unis, par exemple, des dizaines de centres d’études sur l’Orient arabo-musulman, alors qu’en Orient il n’y a aucun établissement spécialisé dans les études sur les Etats-Unis qui disposent d’une influence décisive sur l’économie et la politique de la région ». Ceci dit, il serait absurde de nier que le monde musulman a hébergé de brillants philosophes, scientifiques et artistes sans qui le patrimoine immatériel de l’humanité serait bien plus pauvre. Nous ne remercierons jamais assez le persan Al-Khwarizmi d’avoir fondé l’algèbre, l’arabe Al-Kindi d’avoir enrichi l’optique, Avicennes pour son oeuvre philosophique et les innombrables scientifiques orientaux d’avoir embelli la condition humaine par leurs contributions.
Mais rien, absolument rien, ne permet de créditer l’islam et Mahomet du génie que les Arabes, les Persans, les Turcs et les peuples d’Orient ont naturellement manifesté en tant qu’êtres humains doués de raison et de sensibilité. Ce serait comme applaudir le code de l’indigénat, le régime soviétique ou l’esclavage au motif que des capitaux français ont édifié des routes en Algérie, que les Russes ont envoyé le premier satellite dans l’espace ou que l’amateur d’histoire peut dénicher, dans toutes les sociétés esclavagistes, des captifs de basse extraction parvenus à s’élever dans la hiérarchie sociale.

Ce serait vanter des idéologies et des systèmes proprement viciés au nom de bienfaits qui ne leurs sont pas exclusifs et qui auraient pu être décuplés par des institutions bien plus fécondes et libérales que l’époque autorisait. Ibn Khaldun lui-même ne crédite pas Mahomet de la curiosité que les Arabo-musulmans ont manifestée pour ces matières. « Les sciences intellectuelles, étant naturelles à l’homme en tant qu’il est un être doué de réflexion, n’appartiennent pas spécialement à une seule nation ». La fascination que ces disciplines exercent sur l’esprit de l’homme tient à ce qu’il aspire « naturellement à la connaissance de ces matières ».
Dès lors, pour chaque Averroès enfanté dans le monde musulman, combien de Léonard de Vinci ont-ils été méthodiquement assassinés sur les bancs des écoles coraniques ? La conviction que les plus belles réalisations de l’Orient se sont produites en dépit de l’islam et non grâce à lui ne manquera pas d’être assimilée au racisme par les idiots tentés de la rapprocher des thèses farfelues de Renan sur l’infériorité des races sémitiques.

C’est ne pas comprendre que la disqualification de l’islam est le plus beau compliment que l’on puisse adresser aux peuples d’Orient. Nous faisons le pari, pas très risqué convenons-en, que les Arabes, les Persans, les Turcs et autres nations passées sous le joug de ce grimoire maléfique qu’est le Coran ont manifesté un talent extraordinaire malgré un génie sous-exploité, et qu’ils n’auraient pas manqué d’égaler voire de surpasser les nations aujourd’hui les plus raffinées s’ils ne s’étaient jamais enchainés à Mahomet.
Sans minorer les réalisations de l’Orient, cette conviction les rend au contraire bien plus impressionnantes. Un Raphaël qui émerge en pleine renaissance florentine a infiniment moins de mérite que le Michel-Ange qui naîtrait parmi ces Talibans qu’on ne saurait comparer au Moyen-Âge européen sous peine de défigurer cette période. Pour paraphraser le poète islamo-andalou Ibn Bassam qui exaltait les prouesses que les Arabes ont accomplies à proximité des royaumes chrétiens, « pour qui se trouve dans une telle situation, le moindre caillou prend les proportions d’une haute montagne, et la moindre mare d’eau celles d’une mer déchaînée ».

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