LE COÛT

 

La taille compte. Au sujet d’une intervention terrestre des États-Unis en Ukraine

Une société européenne de recherche financière m’a envoyé l’une de ses lettres de recherche trimestrielles. Il s’agit d’un  » examen contradictoire des ramifications politiques et militaires  » de la guerre en Ukraine. Elle analyse les « gagnants et les perdants » de la guerre.

Elle n’est contradictoire que dans le sens où elle oppose la réalité aux vues erronées des grands médias « occidentaux« . Les perdants de la guerre sont tous du côté « occidental« , les deux seuls gagnants étant les propriétaires de l’industrie de la défense américaine et la Russie.

On m’a envoyé cet exemplaire par courtoisie car, comme l’écrit la société, les discussions à Moon of Alabama ont été « immensément utiles » dans la formation de leur opinion.

Note aux auteurs : De rien.

Je ne citerai pas l’article car il semble s’agir d’un produit commercial quelque peu confidentiel. Mais je vais en extraire deux graphiques qui aideront à comprendre l’ampleur de la guerre en Ukraine et comment elle ne se terminera PAS.

Selon certaines théories, la Pologne ou une force de coalition dirigée par les États-Unis interviendrait avec ses troupes sur le terrain en Ukraine pour « chasser les Russes« .

Mais les deux graphiques dissipent tout espoir d’une telle opération.

Le graphique suivant est une carte opérationnelle de l’opération Tempête du désert. L’opération menée par les États-Unis au printemps 1991 pour chasser l’Irak du Koweït.

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Il a fallu environ neuf mois aux États-Unis pour rassembler une force de quelque 700.000 soldats américains et 250.000 soldats alliés, avec tout leur équipement. L’Irak avait environ 650.000 soldats sur le théâtre des opérations. Les États-Unis ont d’abord établit une supériorité aérienne totale en détruisant les avions de chasse et les forces de défense aérienne de l’Irak. Cela fait, il n’a fallu que 100 heures d’opérations terrestres pour détruire un tiers des forces irakiennes. Le reste de l’armée irakienne s’est replié sous le feu de l’ennemi vers Bagdad.

Quelque 550.000 soldats russes sont présents en Ukraine et dans les environs. Une opération hypothétique visant à « chasser la Russie » aurait donc à peu près la même ampleur que « Tempête du désert«. Mais les dimensions géographiques diffèrent radicalement.

Voici une carte opérationnelle de l’opération Tempête du désert, superposée en échelle à la carte de l’Ukraine.

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La carte a été tournée de 90 degrés vers la gauche. Le nord est à gauche, l’est en haut et la Crimée au sud à droite.

La Russie occupe quelque 87.000 kilomètres carrés d’Ukraine. Le terrain d’action de Desert Storm autour du Koweït était cinq fois plus petit.

Une hypothétique coalition américaine de la taille de Desert Storm pourrait probablement traverser le Dniepr et couper l’accès à la Crimée. Mais elle ne pourrait guère faire plus que cela. Les oblasts de Donetsk, de Luhansk et la Crimée elle-même seraient toujours aux mains des Russes.

Mais il existe de nombreuses raisons pour lesquelles une telle opération ne sera jamais planifiée et exécutée.

• Les États-Unis ne disposent plus d’une force de la taille de celle qu’ils ont engagée dans l’opération Tempête du désert. Leurs alliés non plus.
• Les États-Unis ont pu créer une supériorité aérienne en Irak parce qu’ils pouvaient voler à partir des aérodromes saoudiens voisins et des porte-avions du golfe Persique. La supériorité aérienne dans l’est de l’Ukraine ne pourrait être obtenue qu’avec la destruction des défenses aériennes à longue portée de la Russie. Les plus proches terrains d’aviation sûrs que les États-Unis pourraient utiliser se trouvent en Pologne et en Roumanie. Aucun porte-avions américain n’osera entrer dans la mer Noire. Les avions de chasse américains n’auront pas l’amplitude de vol nécessaire pour mener des missions de combat dans l’est de l’Ukraine.
• Le système ferroviaire ukrainien est à présent en désordre. Il est incapable de déplacer une force importante de l’ouest vers l’est de l’Ukraine.
• Toute tentative de déplacement d’une force importante à travers l’Ukraine serait soumise à une interdiction de combat en profondeur par les forces russes et biélorusses.
• L’équipement irakien était mal entretenu et les forces irakiennes étaient à peine entraînées. La Russie dispose d’une armée de haute technologie bien entraînée.

Je pourrais continuer, mais vous voyez certainement où je veux en venir.

Aucune troupe terrestre américaine n’ira en Ukraine. Il est absurde de penser le contraire.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone