«Initiative politique» de Macron : l’Élysée se félicite d’un «grand moment», les oppositions se montrent sceptiques.
L’après-midi de travail voulue par Emmanuel Macron a finalement découlé sur un échange de douze heures à huis clos, terminé tard dans la nuit de mercredi à jeudi.
Douze heures d’échanges n’auront pas fondamentalement changé la donne. Et à l’issue de ce long rendez-vous, qui s’est terminé tard dans la nuit, chacun est resté dans son rôle : l’entourage du président a communiqué sur le succès qu’a connu son «initiative politique d’ampleur», quand les oppositions se sont succédé pour faire part de leur scepticisme. Certaines ont tout de même reconnu l’intérêt de l’exercice sur le principe, dont il s’agit maintenant de voir les débouchés concrets.
À l’Élysée, il n’y a pas de doute. L’«initiative politique d’ampleur» est devenue «un grand moment de politique». Celui-ci devrait même aboutir à un autre rendez-vous, dont la date n’a pas encore été arrêtée. Une première «conférence sociale» a en revanche été actée, consacrée aux «carrières et branches situées sous le salaire minimum».
«Cette main tendue a été fructueuse», s’est-on d’emblée félicité autour d’Emmanuel Macron, en évoquant «un grand moment d’unité, de reconnaissance et de responsabilité». «Le débat a toujours été apaisé, sincère, franc et courtois. C’est la force d’une grande démocratie que d’avoir des responsables politiques capables de se parler pendant une aussi longue durée, d’accepter de se revoir le même format», a-t-on encore ajouté.
Olivier Véran est même allé plus loin, en évoquant sur France info une soirée «qui pourrait bien marquer l’histoire politique, voire démocratique de notre pays». «Des gens qui ne se parlent pas, qui ne s'entendent pas, qui ne se comprennent pas, qui ne pensent pas la même chose, même se combattent, ont décidé de se parler à huis clos, ont décidé d'échanger, ont décidé de partager des accords, des désaccords, et ce jusqu'au milieu de la nuit», a avancé le porte-parole du gouvernement. Arguant que cela «n'est jamais arrivé dans l'histoire de notre pays».
«C’était très intéressant, très original, inédit», a par la suite confirmé François Bayrou, invité sur LCI. Le président du MoDem s’est notamment attardé sur les «quatre heures» passées sur «la politique étrangère», durant lesquelles «toutes les parties du monde ont été examinées». «Il y avait un accord général, y compris de ceux qui n’avaient pas soutenu l’Ukraine», s’est-il réjoui.
«12 heures sur la planète Mars»
Le ton est pourtant bien différent de l’autre côté de la table, où Jordan Bardella, premier à s’être présenté devant les médias, a reconnu des débats «francs», certes, mais avant de se dire «dans l’incapacité» d’en préciser les suites. «Il n’y a pas de conclusion pour l’instant», a-t-il affirmé, alors que l’Élysée doit désormais rédiger une synthèse de ces échanges. Le patron du Rassemblement national assure avoir notifié à Emmanuel Macron «que la réforme des retraites avait évidemment créé un fossé entre lui et les Français».
Vers trois heures du matin, Manuel Bompard a également pris son téléphone pour y pianoter une brève et amère réaction. Sur X (ex-Twitter), le coordinateur de La France insoumise a raillé «12 heures sur la planète Mars». Il dénonce «un président hors sol sans réponse face aux priorités de la rentrée». Et énumère : «Le référendum sur la retraite à 64 ans, c’est non. Le blocage des prix, c’est non. L’indexation des salaires sur l’inflation, c’est non. L’allocation pour les jeunes, c’est non.» Pour enfin interroger : «Tout ça pour ça ?»
Face caméra, le bras droit de Jean-Luc Mélenchon s’est aussi montré réticent à un nouveau rendez-vous. Il regrettait alors «l’absence d’annonce», quelques heures avant qu’Emmanuel Macron n’officialise finalement l’organisation d’une conférence sociale. Manuel Bompard, qui avait prévenu ne pas vouloir rester pour le dîner, est aussi resté jusqu’au bout - le volet «social» des discussions n’ayant été abordé qu’aux alentours de 2 heures du matin, à l’initiative de la Nupes. Jeudi matin, il dénonçait sur France Info un exercice «assez grotesque».
L’écologiste en chef Marine Tondelier, intervenue quelques minutes plus tard sur le même réseau, a fait preuve de la même déception : «On est venus, on a vu, on a été déçus.» «Le vivant s’effondre» et «la planète devient progressivement inhabitable», «ces 12h de discussion m’ont paru en décalage total avec l’urgence environnementale et sociale», a déploré l’élue. Quand le socialiste Olivier Faure a évoqué «un marathon de 12 heures pour constater la puissance et la pertinence du clivage gauche-droite», «un marathon sans ligne d’arrivée», «un échange direct mais sans conclusion», «la communication en lieu et place de la décision».
Le «préférendum» balayé par Macron
Éric Ciotti et Fabien Roussel ont à leur tour investi les plateaux au petit matin pour y livrer leur compte rendu. Le président des Républicains a reconnu sur France 2 un exercice «opportun», voire «utile». Sans savoir pour autant «sur quoi tout cela va déboucher». «J’ai une forme de scepticisme», a admis celui qui ne veut être «ni supplétif, ni allié». «J’espère que ça ne sera pas qu’une opération de communication.»
Le député des Alpes-Maritimes dit avoir pu «poser (ses) propositions sur la table», et notamment celle d’un référendum sur l’immigration, rendu pour le moment impossible par la Constitution. Une réflexion sur le champ du référendum doit d’ailleurs s’ouvrir. Tandis que le «préférendum» a été, lui, balayé. «Le président nous a dit qu’il ne savait pas ce que c’était, que ça n’existait pas. Il a d’ailleurs dit que c’était l’idée d’Olivier Véran mais pas la sienne. Ça ne semblait pas d’actualité», a rapporté Éric Ciotti, alors que le porte-parole du gouvernement le premier en a fait la communication dès lundi, sur BFMTV.
Le patron des communistes, souvent plus nuancé que ses collègues de la Nupes, s’est quant à lui montré mitigé. D’abord en raison de «la blessure» qui demeure à l’issue de la réforme des retraites, et la réponse apportée selon lui par Emmanuel Macron : «J’assume.» Ensuite parce que «les choses que nous lui avons dites (doivent) se traduire». «On sait que le président n'est pas bon pour augmenter les salaires. Il est très bon en communication», a-t-il souligné. Tout en se disant «toujours favorable» au «dialogue».
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