Encore un ratage informatique pour l’État français
L’Union européenne en rêve, ses États membres y travaillent, la France la pousse de toutes les façons possibles mais pourtant, le chemin de lait et de miel vers la mise en place d’une identité numérique pour tous semble encore parsemé d’embûches.
C’est dommage tant on sait que cette identité numérique, vaste entreprise de numérotation du cheptel de bipèdes humains, permettra – soyez-en certain – l’installation permanente et dûment monitorée d’une harmonie millimétrée, de la paix sur Terre et de l’évaporation de toute criminalité.
Mais voilà : c’est un gros projet informatique et, à ce titre, il pourrait voir ses développement et son déploiement rencontrer des obstacles et des déconfitures auxquels les États en général, et le français en particulier, nous ont déjà habitué.
Si, bien sûr, l’explosion en vol de cette abomination mondialiste ce projet transhumaniste n’est pas certaine, il faut cependant se rappeler que l’informatique et l’État ne font pas toujours bon ménage. Et en fait, si l’on suit attentivement – comme le font régulièrement ces modestes chroniques – les projets informatiques menés ces dernières décennies par l’État français, on se rend vite compte de la propension assez stupéfiante des administrations françaises à se chier dessus avec gourmandise, la trivialité précédente du langage peinant en réalité à représenter avec exactitude les masses absolument monstrueuses d’argent public carbonisé dans ces désastres humains, financiers et informatiques épiques.
Ainsi, et pendant que les administrations françaises continuent de suer sang et eau sur les bricolages logiciels qui font semblant de gérer les cartes d’identités, les passeports ou les cartes grises, il serait dommage de passer sous silence le bruit de casseroles informatiques persistant venant des entrailles de Bercy ou des bureaux de l’INPI.
Car si l’on peut avoir oublié les désastres de Chorus, de Louvois, de la paie unifiée des fonctionnaires, des tentatives de trucs souverains (applications, clouds et autres moteurs de recherches) et autres usines à gaz immondes comme le suivi des cartes grises, il sera difficile d’oublier ce qui se passe actuellement concernant la déclaration des biens immobiliers âprement demandée par Bercy : c’est un bon gros ratage des familles que nous fait subir l’administration fiscale et qui place le contribuable dans cet espace liminaire impersonnel et désagréable situé entre la certitude molle d’avoir correctement répondu aux gentils percepteurs et le flou fiscal du déclaré qui permet à chacun d’être, par défaut, considéré comme un fraudeur fiscal patenté.
De la même façon, il sera difficile de ne pas évoquer le ratage, là aussi sans appel, de la mise en place du “guichet unique des entreprises”, placé sous la responsabilité de l’INPI et qui s’est jusqu’à présent traduit, après des mois de n’importe quoi savamment distillé, par un retour en arrière vers les vieilles procédures crypto-manuelles dont l’administration française a le secret.
Dans ce cadre, on n’appréciera que mieux l’ampleur de la catastrophe que constitue la mise en place imposée de la facturation électronique des entreprises.
Pour rappel, cette facturation électronique est la nouvelle lubie européenne qui vise à imposer, par la “dématérialisation des factures”, que ces dernières soient toutes systématiquement enregistrées dans les petits papiers de l’État. L’idée est toujours la même : sous couvert de lutter contre les fraudes et de faciliter les démarches avec les administrations, il s’agit de pister absolument tout ce que fait le cheptel et pour cela, la piétaille est contrainte de voir les bureaucrates s’insérer entre eux et leurs clients ou leurs fournisseurs. Oui, vous avez bien lu : chaque facture envoyée à un client, quel et où qu’il soit, devra faire l’objet d’une saisie dans l’usine à gaz numérique qui se met en place sous les applaudissements fiscaux.
Et avec une surprise qu’on pourra pudiquement qualifier de modérée, ce magnifique projet (qui n’aboutira à rien d’autre qu’à un flicage permanent, coûteux et inutile), qui devait entrer en vigueur en juillet 2024, affiche déjà de somptueux retards : tout se déroule comme prévu, c’est-à-dire absolument pas conformément aux plans de nos élites bureaucratiques en route vers une nouvelle catastrophe.
Eh oui : l’usine à pets chauds qu’on pouvait imaginer est en train de se transformer en véritable abomination informatique multitubulaire à dérapages incontrôlés.
L’affaire pourrait donc durer encore de nombreuses années, et continuer de coûter fort cher à l’État et sa bousculade de prestataires qui pourront prendre tout le temps nécessaire pour rendre l’édifice informatico-bureaucratique positivement satanique, et ce d’autant que la plupart des pays européens patinent eux aussi dans l’épaisse semoule fiscale de cette lubie qui montre surtout l’impérative nécessité pour les administrations de recouvrer tout ce qu’elles peuvent, alors que les dettes et les déficits publics s’emballent.
Apparemment, en forçant ainsi à la dématérialisation des factures, la bureaucratie affiche son désir de corriger ses excès de surveillance, de complexité et d’immixtion permanente dans la vie des citoyens par une couche supplémentaire de surveillance, de complexité et d’immixtion. Le succès ne peut être qu’au rendez-vous.
Il faut se résoudre à l’évidence : à l’exception notable du prélèvement à la source (qui ne s’est bien passé que parce que la charge de travail fut reportée sans vergogne sur les entreprises privées), absolument tous les projets informatiques menés par l’État et ses administrations ces vingt dernières années se sont soldés par des échecs cuisants et une incapacité des administrations à évoluer.
Tant pour l’identité numérique que pour la dématérialisation des factures, on peut donc raisonnablement tabler sur un fiasco qui ne sera imposé que par la force, et amènera un nombre toujours plus grand d’individus et d’entreprises à haïr ces bureaucraties grabataires, nécrosées et toxiques.
Cela va probablement très mal se passer, mais c’est finalement très bien.
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