vendredi 23 février 2018

CRÉDIBILITÉ

Témoignage de Pierre Jovanovic sur la grève à Air France, bras de fer entre représentants du personnel et la direction. Mais Pierre, met en évidence aussi un élément essentiel de ce qui déterminera les conflits sociaux actuels comme à venir. Les syndicats jouent leurs crédibilités d'être soit, des partenaires de dialogue, soit des complices du système qui vont encore embobiné tous le monde pour contenir la réelle colère d'un raz le bol généralisé.

"La manifestation qui a duré presque 4 heures a pris fin lorsque les grévistes ont forcé le barrage des CRS pour se répandre dans l'aérogare 2 en scandant leurs slogans "On veut nos 6%", "Gateau, rends l'argent" (le DRH d'AF s'appelle Gilles Gateau), "On veut notre part du gâteau", etc., sous les yeux médusés d'une majorité de touristes étrangers qui avaient la chance d'avoir leur vol maintenu..

La journée de grève a coûté l'annulation de 200 vols et au moins 20 millions d'euros, soit 10% environ de la somme des hausses que réclament les syndicats. "Nos salaires sont bloqués depuis 2011" m'a ainsi déclaré un technicien mécano au sol. "On nous a promis des hausses dès retour à bonne fortune. Mais cette bonne fortune a été atteinte: Air France a fait 1,5 milliard de bénéfices.

Mais là, la DRH refuse de rattraper toutes ces années perdues en sacrifices et veut juste nous donner 1%. C'est inadmissible. Nous voulons juste nos 6% de récupération de l'inflation".

Quand les responsables des 11 syndicats ont pris la parole, curieusement, la plus véhémente (et juste) a été celle qui représente les hôtesses de l'air, hurlant très justement dans le micro: "ON NE DEMANDE PAS L'AUMONE".

Cette phrase est la clé.

Car en effet, cette manifestation m'a donné l'impression de voir gens demander l'aumône, "un ptit qqchose" comme disent les pauvres dans les films des années 1950.

J'ai aussi eu le sentiment de voir des professionnels dévoués à leur entreprise être honteusement et totalement exploités, une sorte de retour dans les années 1900, pour le seul profit des cadres dirigeants qui se prennent des centaines de milliers d'euros en bonus et/ou autres compensations plus ou moins masqués.

En clair, en ayant discuté avec eux, l'impression précise de revenir à une forme d'esclavagisme, puisque Air France n'est pas loin de concurrencer Orange ex-France Telecom en nombre de burn-outs ou de dépressions liés au travail.

Pour être clair, les salariés d'Air France, du manutentionnaire au pilote en passant par le mécano, le polyvalent ou le steward, ont le sentiment d'être volés, spoliés et surtout exploités au seul profit des membres de la direction, qui, eux, se votent des augmentations massives.

"La rémunération des membres du comité exécutif d’Air France a augmenté de 41% en 2016 selon les syndicats qui ont eu accès aux chiffres. La paye des 15 "grosses huiles" a été de de 4,8 millions d’euros en 2016, alors qu'elle n'a été que 3,4 millions en 2015" m'a déclaré un gréviste CGT, ainsi qu'un FO, puis un SNAP, etc., etc.

Ce à quoi la direction a répondu officiellement et fort maladroitement (si, si, lisez bien, elle a osé:) "Mais non, on ne s'est augmenté que de 17%"....

Communication, quand on ne la maîtrise pas !

Donc 17% de mieux quand les 99% du personnel sont eux à 0% depuis 7 ans.

Ca s'appelle aussi "La violence des riches sur les pauvres".

Comme les grévistes sont des gens bien élevés et polis (on est chez Air France, quand même....) ils n'ont rien cassé, même quand ils ont débarqué dans le Terminal 2.

Si la même injustice avait été observé chez les métallos d'une usine en Lorraine, la violence aurait été extrême, et proportionnellement à la hauteur de l'injustice.

Donc ce 17% s'appelle "un retour à bonne fortune", mais que pour les membres du comité de direction !!!

Leur façon de dire à ses salariés "on vous emm**** " !

Les petits salaires, les gueux, les sans-dents d'Air France, eux, ne sont pas concernés. Yannick, un gréviste CGT, m'a déclaré: "La DRH a dit qu'ils préférent qu'on fasse grève plutôt que de nous augmenter. Ils veulent juste nous donner 1% de rattrapage plutôt que 6%".

Cette distinction est vécue comme une véritable insulte personnelle, et on comprend parfaitement leur révolte.

Mais les syndicats sont désormais dos au mur.

Soit ils continuent leur grève et bloquent tout, amenant la direction à leur accorder les 6% de hausse légitime demandée, soit ils jettent l'éponge, et dans ce cas ce sera la fin d'Air France, donnant tout pouvoir à la direction qui fera alors un grand nettoyage en confiant le maximum des taches à des sociétés externes privées.

Pour François Dimino (FO), la seule solution pour protéger les salariés se trouve dans un front commun de tous les syndicats contre la DRH.

Alors 6% ou 1% ? Selon Mr Salle de la CGT "On a obtenu 33% de hausses des salaires en 1968 alors que les patrons parlaient de la Fin du Monde... Alors 6% !!! Ils peuvent... "

Un sacré dilemme pour tous les dirigeants syndicaux dans les jours à venir."


http://jovanovic.com/blog.htm#les-syndicats-a

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