samedi 8 avril 2023

VIOLENCE LEGALE

 L'autorité de l'état ne peut pas se permettre de ne pas faire usage de violence lorsque de groups de gens menace la sécurité civile de par leurs actes, quels qu'ils soient. Et du coup, ça ne colle plus dans les cases des droits de l'hommistes car évidemment, c'est une logique implacable qu'une sphère élitiste et d'état profond, se serviront toujours de la violence pour instaurer la peur dans le peuple, et le dissuadé d'avoir des idées, des pensées de révoltes, d'inssurrection. Preuve en est, la définition même de "terrorisme" est aujourd'hui complètement redéfinie pour en faire un fourre tout , y compris applicable à de simple citoyens qui expriment un peu trop concrètement leurs raz le bol d'un pouvoir.


En remettant au goût du jour, durant un passage télé, la théorie sur le monopole de la violence légitime, Eric Zemmour a fait usage d’une expression qui dit beaucoup du rapport à la force et à l’État. Théorisée et popularisée par le sociologue allemand Max Weber, l’idée selon laquelle l’État aurait seul le monopole de la violence légitime est en effet non exempte de problème.

Weber face à la guerre civile

C’est dans son ouvrage Le savant et le politique que Max Weber explique que l’État a seul le monopole de la violence légitime, ou de l’usage légitime de la violence, selon la traduction que l’on donne à l’expression employée par Weber. Cet ouvrage est issu de conférences données à l’université de Munich en 1917 et 1919. Comme ses contemporains allemands, Weber a été traumatisé par la défaite de 1918 et surtout par la situation insurrectionnelle qui a suivi en Allemagne. Un épisode oublié en France, mais qui permet de comprendre la recherche de stabilité et d’ordre aux cours des années qui suivirent. Les communistes tentèrent des coups d’État à Berlin et dans les grandes capitales régionales, les soldats rentrés du front furent vilipendés et parfois attaqués, l’État allemand s’était complètement évaporé. Ernst von Salomon a très bien décrit cette situation dans son roman Les Réprouvés (1930) dans lequel il décrit les déconvenues de sa compagnie de corps francs. L’Allemagne échappe de peu au basculement dans le communisme, en dépit des efforts de Rosa Luxembourg. Il n’y avait alors plus d’État, plus d’autorité, plus d’ordre légitime et la démocratie allemande ne dut sa survie qu’à l’intervention des corps francs qui empêchèrent les communistes de prendre le pouvoir.

Weber a donc vu la guerre civile et vécu cet état de dissolution générale. D’où l’importance extrême pour lui de conserver un État fort et stable, seul à même d’éviter l’anarchie et donc le renversement de la civilisation allemande. Weber a vu aussi les groupes militaires communistes, les armes et le feu utilisés par ces adversaires. D’où sa réflexion sur la nécessité de les désarmer afin de ne mettre la capacité d’intervention militaire et policière qu’entre les mains de personnes ayant reçu un mandat légitime pour cela. D’où pour lui la légitimité de la force résidant dans les moyens de l’État.

Si l’argument peut se comprendre dans le contexte de 1918, face à un État qui se dissout totalement et la réalité de la guerre civile en Allemagne, il n’est pas sans ambiguïté pour les libertés des populations.

Force ou violence ?

La violence n’est jamais légitime, car c’est la force sans le droit, sans les règles, sans la limitation. La violence est hors du cadre de la politique et de la cité. C’est une chose qu’elle puisse être utilisée par une autorité supérieure, c’en est une autre qu’elle puisse être légitime. Surtout si la violence est utilisée pour elle-même et mise au service d’un groupe qui s’empare des rouages de l’État pour faire croire à sa légitimité, mais qui détourne la force commune pour son propre intérêt. L’oppression fiscale est une forme de violence, tout comme le vol légalisé ou l’établissement de lois iniques. Ce n’est pas parce qu’une violence est autorisée par la loi que celle-ci est juste et donc qu’elle devient une force.

La force, a contrario, s’exerce dans le cadre de la mesure et de la limite. Limitation de la loi, limitation des moyens en vue d’aboutir à une fin. La force se déploie dans la proportionnalité pour atteindre la fin visée. Dire que l’État dispose du monopole de la violence légitime, c’est le mettre au-dessus des lois et lui permettre de faire n’importe quoi. C’est rendre impossible toute contestation et toute remise en question de son action. Lors d’interventions dans des manifestations, il doit pouvoir être possible de sanctionner des gendarmes ou des CRS qui ne respectent pas les règles en vigueur et qui outrepassent leur rôle. Le maintien de la force ne peut pas passer par la violence et par la négation du droit.

Monopole ?

L’autre élément sujet à caution est celui du monopole. Si le monopole est mauvais en économie, pourquoi serait-il bon dans le domaine du maintien de l’ordre ? Reconnaitre à l’État le monopole de la force dans le maintien de l’ordre, c’est récuser la légalité de la légitime défense. C’est d’ailleurs ce qui est reproché dans l’usage de cette défense personnelle, le fait que cela revient à « se faire justice soi-même ». Dans les cas de légitime défense, c’est bien cela qui est jugé : un particulier peut-il faire usage de la force pour repousser un cambrioleur ou pour se protéger ou bien cela doit-il être réservé uniquement aux forces de police de l’État ? Si la légitime défense est reconnue, alors l’État n’a plus le monopole de l’usage de la force. On peut étendre cette réflexion à la question du port d’armes et à son usage dans certains cas.

Le monopole signifie aussi l’absence de subsidiarité, une notion essentielle qui a pourtant disparu du vocabulaire de la philosophie politique. L’Église catholique, par exemple, a son propre droit (droit canonique) et ses propres tribunaux pour juger les choses qui relèvent de sa juridiction. Les prud’hommes sont aussi des formes de justice privée, ou du moins de justice régie par une corporation. Autant d’atteintes au monopole de l’État, chose qu’il apprécie toujours rarement.

Les mairies disposent de leur propre force de police, même si les moyens et les champs d’intervention de la police municipale sont limités. Les vigiles et les compagnies privées de sécurité sont dotées de plus de pouvoir aujourd’hui qu’il y a vingt ans. Là aussi, ce sont des réductions du monopole de l’État. Et cela est bien. D’une part parce que l’État ne peut pas intervenir partout, d’autre part parce qu’il doit pouvoir être mis en concurrence, y compris dans le domaine de la sécurité, afin de tendre vers son optimisation. Pour tous ces éléments, on ne peut pas dire qu’il y a un monopole de l’usage de la force par l’État. Le reconnaitre reviendrait à sacraliser l’État, à en faire le dieu bienfaiteur dispensateur du bien, ce que ne manque déjà pas de faire beaucoup de nos contemporains.

Quid au niveau international ?

Le livre de Max Weber fut traduit en français par Julien Freund et préfacé par Raymond Aron, qui s’interrogea sur la pertinence de ce monopole, notamment dans le champ international. Au niveau mondial, les États ne reconnaissent aucune autorité supérieure qui pourrait disposer du droit au recours de la violence. L’ONU s’y est brièvement essayée, sans succès. L’envoi de forces militaires se fait toujours dans un cadre national précis, sous forme d’accord, même si plusieurs États peuvent participer à cet envoi. Au-dessus des États, il n’y a donc personne qui puisse faire usage de cette violence. Au-dessus, non, en dessous, oui. C’est tout le problème des mafias et des réseaux criminels qui sapent l’autorité des États en s’accaparant l’usage de la violence et en se légitimant par le fait qu’ils soient impunis et impunissables. Le monopole, dans ce cas, ne vient pas d’une force qui est dessus, mais dessous, ce qui affaiblit d’autant plus les États. Et ce qui témoigne de leur grande difficulté à encadrer la violence.

Jean-Baptiste Noé

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