Poutine et Xi Jinping ont conclu une « union du sang »
Le dirigeant chinois Xi Jinping lors d’une rencontre solennelle avec Vladimir Poutine au Kremlin lui a apporté ainsi son soutien : « Je sais que l’année prochaine une autre élection présidentielle aura lieu dans votre pays. Grâce à votre solide leadership, la Russie a fait des progrès significatifs ces dernières années dans l’obtention de résultats et de prospérité pour le pays. Je suis sûr que le peuple russe vous soutiendra fermement dans vos bonnes entreprises ».
Ce n’est donc pas une scène « typique » qui s’est ainsi déroulée dans les appartements de travail du président de la Fédération de Russie. Ou plutôt, généralement, ces paroles d’encouragement sont prononcées au Kremlin par le maître des lieux, et non par des visiteurs étrangers. Prenons février 2014. Vladimir Poutine lors d’une rencontre avec le ministre égyptien de la Défense, Abdel-Fattah el-Sisi, avait déclaré : « Je sais que vous, cher ministre de la Défense, avez décidé de vous présenter à la présidence de l’Égypte. C’est une décision d’une grande responsabilité de prendre une mission pour le sort du peuple égyptien. En mon nom et au nom du peuple russe, je vous souhaite le succès ».
Pourquoi les rôles ont-ils changé cette fois ?
Rappelons qu’à la veille de la visite du président Xi à Moscou, l’Occident, par l’intermédiaire d’un tribunal de La Haye, a déclaré Poutine « président hors-la-loi ». Pour le dirigeant chinois, il ne s’agissait pas simplement de montrer qu’à ses yeux cette « loi » n’est pas la loi. Une invitation officielle de Vladimir Poutine à se rendre à Pékin cette année suffisait pour cela. Ce que d’ailleurs Xi a fait dès mardi.
En fait, Poutine est arrivé au pouvoir en Russie bien avant que Xi Jinping n’y accède en Chine. Lorsque, le 31 décembre 1999, le Premier ministre de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, est devenu par intérim président du pays, le futur président Xi n’était encore qu’un étudiant diplômé de l’Université Tsinghua de Pékin et il agissait comme gouverneur de la province du Fujian. Mais il se trouve qu’en mars 2023, Xi Jinping avait déjà accompli toutes les formalités liées à sa reconduction en tant que premier dirigeant de la Chine. Et Poutine aura sans doute un parcours similaire au printemps prochain. Je déchiffrerais ainsi le « signal » envoyé par le président Xi avec ses mots de soutien : « nous avons un long, long chemin devant nous. Et nous y parviendrons certainement ensemble » !
Les deux hommes se sont donné une mission historique
Comme je l’ai déjà écrit à maintes reprises, Poutine est un homme avec un sens très développé de sa mission historique. Xi Jinping a également une conscience aigüe de sa mission historique. Et il se trouve que les idées des deux dirigeants sur leurs missions et sur les futures voies de développement des deux pays, non seulement se combinent très bien, mais sont complémentaires.
La Russie a déjà ouvertement « demandé » une révision de l’ordre mondial actuellement centré sur l’Occident. La Chine agit plus astucieusement : manœuvrer, s’abstenir de mouvements très brusques, essayer de se conserver plus longtemps les mains libres et les avantages d’un développement pacifique. Mais en fait, le président Xi a déjà fait son choix stratégique en faveur de la lutte contre la suprématie de l’Occident dans les affaires mondiales.
Que vise réellement le plan de paix chinois pour l’Ukraine ?
Les deux pays se considèrent comme une base arrière stratégique. Et, peut-être, cela dit tout. Le même Xi Jinping a déclaré dès son arrivée, presque sur la passerelle de l’avion : « La Chine est prête, avec la Russie, à veiller sur l’ordre mondial fondé sur le droit international ».
En l’état, nous sommes bien obligés de collecter des informations. Car nous ne savons pas (et il n’est pas certain que nous le saurons bientôt) ce qui semble important, pertinent et brûlant à présent : le contenu exact des pourparlers entre Poutine et Xi sur la question ukrainienne. À la veille de l’arrivée du dirigeant chinois à Moscou, les États-Unis critiquaient chaque jour l’idée d’un cessez-le-feu urgent en Ukraine, alors que c’est la « structure porteuse » du plan de paix chinois. Mais posons-nous la question : l’idée d’abandonner l’attaque sur Artemovsk, et ainsi de suite, est-elle vraiment si « agréable » pour le Kremlin ? Après tout, « un répit pour le réarmement et le regroupement des forces » dans ce cas serait bien accepté, non seulement par Moscou, mais aussi par le Kiev officiel, même si cela inquiète l’Occident. En réalité, nous ne connaissons pas la réponse à cette question. Mais bien avant l’arrivée de Xi en Russie, elle était définitivement connue des hauts dirigeants chinois. Le niveau de confiance dans la relation entre les deux dirigeants ne permet pas de tirer ici une autre conclusion.
Cela soulève une autre question intrigante : que vise réellement le plan de paix chinois pour l’Ukraine : une percée rapide, comme vient de le faire la diplomatie chinoise entre des adversaires traditionnels comme l’Iran et l’Arabie saoudite ? Ou bien Pékin a-t-il tout calculé à l’avance et obtenu exactement ce sur quoi il comptait : un « non » occidental catégorique en réponse aux appels à un cessez-le-feu immédiat en Ukraine ? Histoire de dire « Regardez qui sont ici les vrais ennemis de la paix et qui sont les fauteurs de guerre » ? Si la deuxième hypothèse est correcte, quelle sera la prochaine décision de Pékin ?
Je ne compterais pas sur l’entière solidarité de la Chine avec la position de la Russie. La Chine ne gagnera rien dans cette affaire. Et les Chinois n’ont pas l’habitude de marquer des buts contre leur propre camp. Mais ils ont la passion des combinaisons politiques longues et multidirectionnelles.
Avouons-le : nous ne pouvons pas prédire la prochaine action de Pékin concernant le conflit en Ukraine. Mais on peut être sûr qu’aux yeux de Poutine et de Xi, ce qui se passe en Ukraine n’est qu’une des références dans l’affrontement entre l’axe Moscou-Pékin et l’Occident, qui ne fait que monter en puissance.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire