Et pendant ce temps, le coup d’Etat bancaire se prépare…
La crise bancaire qui a commencé (et que nous avons été dans les premiers à pronostiquer comme durable lors de la faillite de la SVB, alors que la presse subventionnée a servi le pouvoir en répercutant aveuglément les âneries lénifiantes de Bruno Le Maire) fera couler beaucoup d’encre dans les semaines qui viennent. Sa survenue, nous l’avons déjà écrit, est systémiquement due à la remontée des taux. Elle aurait pu être arrêtée si les banques centrales avaient tenu compte des avertissements lancés par les marchés. Sauf que, coup sur coup, la BCE a relevé ses taux de façon intraitable la semaine dernière, suivie par la FED, puis par les banques centrales suisses et anglaises… Face à cette unanimité qui a montré que la lutte contre l’inflation était essentielle pour les autorités monétaires, les valeurs bancaires ont plongé cette semaine. Quel peut-être l’intérêt des autorités monétaires à « forer aussi droit » au point de déstabiliser les marchés et mettre toute l’économie en péril ? Nous maintenons ici notre hypothèse d’une stratégie à plusieurs bandes des banques centrales occidentales, et nous expliquons pourquoi.
Le Dow Jones dévisse depuis le début du mois de mars
Sur les places boursières, la nouvelle hausse des taux par la FED a créé le malaise que nous avions prédit la veille. C’était un marqueur « politique » : alors que la FED aurait pu décider de calmer l’inquiétude des marchés en ralentissant la hausse de ses taux, à un moment où l’inflation semblait se calmer (elle disposait des arguments économiques pour justifier sa décision), elle a délibérément choisi de jeter de l’huile sur le feu.
Nous ne disposons pas encore des minutes qui expliquent cette stratégie, mais le moins que l’on puisse faire est de nous étonner d’une décision qui a immédiatement produit les effets attendus, en Amérique et en Europe. Aux USA, la crise bancaire a repris de plus belle, avec une déstabilisation de la First Republic Bank et une annonce de la secrétaire d’Etat au Trésor sur de nouvelles garanties apportées par l’Etat fédéral aux déposants. En Europe, les marchés ont cédé sous le poids des angoisses entourant la Deutsche Bank, après le piteux sauvetage du Crédit Suisse.
Il y aura, dans les jours à venir, bien des choses à écrire sur les circonstances qui entourent ces mouvements. Nous sommes loin de tout savoir. En attendant, quelques constats peuvent être dressés…
Les arguments « moraux » pour la remontée des taux
Il faut d’abord préciser que certains arguments moraux plaident en faveur de la remontée des taux malgré l’instabilité financière qu’elle cause. La disparition de l’aléa moral, comme on dit, c’est-à-dire du risque de faillite, pousse en effet les banquiers à faire n’importe quoi, en étant sûrs que les autorités financières ou monétaires viendront à leur secours. Ce genre d’écart explique très largement la crise de 2008, où des bonus colossaux étaient versés à des courtiers qui vendaient n’importe quel crédit hypothécaire à n’importe quel miséreux du Bronx.
Dans la crise qui vient, les mêmes comportements sont signalés. Les patrons de la Silicon Valley Bank sont soupçonnés d’avoir massivement vendu des actions quelques jours avant la panique qui a fait crouler leur banque. Le patron de la First Republic Bank, qui vient d’être renflouée, est désormais accusé de se servir très largement, lui et la famille, sur le dos de l’entreprise. Ainsi, en 2021, James Herbert, patron de la banque, a perçu un salaire de 17 millions $… Son beau-frère a accordé une mission de conseil en risk management à la banque pour la modique somme de 2,3 millions $. Le fils d’Herbert a perçu un salaire de 3,5 millions $ pour diriger une unité de la banque.
La FED a-t-elle tort de punir ces banquiers fautifs et prévaricateurs en augmentant brutalement ses taux ? Face aux excès et aux dérives bancaires, on peut comprendre que certains, dans les allées de la FED, réclame un bon passage à l’eau de Javel dans un monde contaminé.
Donc, les vertus de la hausse des taux sont incontestables, dussent-elles déstabiliser la finance dans ce qu’elle a de pire…
Le retour du « too big to fail »
L’inconvénient de ce raisonnement tient évidemment au poids réel, incontournable des « too big to fail », ce principe selon lequel une banque systémique (comme le Crédit Suisse ou la Deutsche Bank ne peuvent faire faillite, car aucun État ne peut en supporter les conséquences). De fait, nous assistons en ce moment même au retour du sauvetage forcé des banques par les autorités monétaires ou financières.
Aux USA, le Trésor et la FED ont garanti par avance les dépôts des clients des banques, ce qui a permis, dans la semaine qui a suivi la faillite de la SVB, de calmer les marchés pour quelques jours. En Europe, la Suisse a organisé la vente en urgence du Crédit Suisse, après lui avoir ouvert une ligne de 50 milliards de francs suisses de crédit, en sanctionnant les porteurs d’obligations. On voit ici que les autorités cherchent à ménager la chèvre et le chou : d’un côté, on sauve en jouant à guichets ouverts, d’un autre côté, on cible le sauvetage pour rétablir un aléa moral.
Il n’en demeure pas moins que les banques centrales, en relevant leurs taux, savent qu’elles devront sauver les banques systémiques qu’elles déstabilisent. Et c’est ici que quelques questions se posent.
Pressions américaines sur le dollar numérique
Il se trouve que la détermination des banques centrales à remonter brutalement les taux intervient au moment où les débats sur les monnaies numériques, et surtout sur leur lancement, se noue.
En Europe, on sait que le Conseil européen doit trancher en octobre 2023 sur le remplacement de l’euro actuel par un euro numérique d’ici à 2027. Curieusement, aux États-Unis, après de longs doutes sur les risques de dédollarisation liés à un dollar numérique, le président Biden s’est lancé dans la course au lancement du dollar numérique.
On notera en particulier les conclusions du rapport économique annuel du Président américain, qui discute longuement des risques liés aux cryptomonnaies, et qui pose cette phrase de conclusion (page 272) dont on comprend ce qu’elle veut dire :
Certain innovations, such as FedNow and a potential U.S. CBDC, could help bring the U.S. financial infrastructure into the digital era in a clear and simple way, without the risks or irrational exuberance brought by crypto assets.Economic Rapport of the President, mars 2023
Le système FedNow dont il est question est en fait l’architecture technique qui articule la monnaie banque centrale numérique avec les établissements bancaires et de crédit. Les banques américaines ont elles-mêmes, de leur côté, déployé un système de paiement qui permet d’aller jusqu’au client final, le « Regulated Liability Network« . Autrement dit, le Deep State bancaire américain est prêt pour le lancement du dollar numérique : les investissements sont faits, le produit est prêt à être livré.
Il existe un débat, sur lequel nous reviendrons, concernant l’ingénierie sociale nécessaire pour faire admettre ce Great Reset monétaire. En attendant, on peut imaginer (et la lecture du rapport économique du Président américain le confirme) que la concurrence grandissante des cryptomonnaies est désormais perçue comme une menace à neutraliser en lançant un dollar numérique… qu’un bon marasme financier pourrait tout à fait à la fois justifier et accélérer.
Une crise longue à prévoir
En Europe, l’euro numérique pourrait donner lieu aux premières expérimentations avec les clients finaux dès le 1er janvier 2024. Si l’hypothèse que nous émettons, selon laquelle le lancement des monnaies numériques sera précédé d’une phase de marasme financier, il faut comprendre que la crise bancaire qui commence à frapper durera plusieurs mois et vous oblige à prévoir de nouveaux arbitrages pour votre épargne. Nous vous avons déjà expliqué que le principal risque, en cas de remontée des taux, porte sur l’assurance-vie. Nous reviendrons ce soir sur l’attitude raisonnable à tenir face au coup de tabac qui arrive.
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