Le simulacre guerrier
Ce que nous voyons est la tentative de simulacre d’une situation guerrière au cœur d’une guerre féroce, terrible, qui est aux antipodes d’un simulacre ; une tentative du faux pour figurer dans du vrai. C’est là l’œuvre de la France, plutôt de son président, cette poussière de la modernité qui demande à son miroir déformant de lui renvoyer une image guerrière.
Pour cette raison, m’a-t-il semblé, il était bon de ne pas réagir de façon trop appuyée, sinon inexistante, aux premières manœuvres de cette futilité grimée en président ; “laisser le temps au temps”, disait l’autre, phrase favorite de l’homo politicus modus-modernus assumant son impuissance, mais pour moi cela prétendrait être cette distance que l’inconnaissance recommande.Il y a eu des réactions très diverses, bien entendu, – je parle en général hors-presseSystème, pas de temps à perdre, – incroyablement nombreuses sinon encombrées en France, beaucoup moins mais tout de même appuyées en Europe, surtout dans les trois pays stratégiques et surpuissants essentiels que sont les pays baltes, dans les moustaches du président tchèque, et le reste un peu à la dérive, avec certains contre, tout contre, pour animer le bal. Dans le Sud Global, ou MG (‘Majorité Globale’), ce fut une réaction excitée et absolument prorusse bien entendu, présentant un visage d’unité assorti d’innombrables félicitations à Poutine pour sa réélection, qui devrait être un sujet de préoccupation pour notre vénérable Ancien-Monde.
Et les deux super-puissances militaires ? En Russie, il y eut de très nombreuses réactions à la fois amusées, sarcastiques, provocatrices, humoristiques, etc., parfois même menaçantes Aux USA, certes l’indifférence complète.
« Couard », Macron ? Pauvre trésorLes Russes, que dirent les Russes, les premiers menacés par la vindicte française ? A la fois des commentaires sérieux et d’autres moins sérieux, ou les deux mélangés, pour une affaire dont nul ne sait si elle est sérieuse ou pas, mais qui pourrait bien le devenir (sérieuse) quoi qu’en veuillent les protagonistes. Vous suivez ?
On sait depuis quelques jours les divers plans envisagés, les effectifs considérés, les missions, etc. C’est la “contre-offensive” ukrainienne en dix fois plus détaillée comme une campagne publicitaire, nous voulons dire pour ce qui est connu par avance de ce qui ne se fera sans doute pas. Tout cela fait à la fois très sérieux et pas très sérieux. Pour “résumer” et se plonger dans une pensée qui n’aime rien tant que le rationalisme le plus strict, on consultera Anders Korybko dans son texte du 20 mars où l’on parle naturellement d’Odessa :
« La France cherchera probablement à sécuriser la côte ukrainienne de la mer Noire si elle intervient de manière conventionnelle.
» La Roumanie et la Moldavie, où la France dispose déjà de troupes et vient de signer un pacte de sécurité qui pourrait bientôt aboutir au même résultat, pourraient facilement servir de rampe de lancement à Odessa. »
En fait, le chef du renseignement russe SBR Sergueï Narichkine a largement détaillé ce qu’il juge être les projets, les moyens, le plan français et ainsi de suite. On vous le dit : on, a rarement eu plus détaillé, Français infiniment plus bavards qu’Ukrainiens, Macron dépassant de cent coudées le stratège de plateau Zelenski.
D’autres doivent être considérés, cette fois ornées d’appréciations intéressantes. Ils sont notamment un données par l’expert russe indépendant bien connu Marc Sleboda, sur le réseau ‘Zvonoda’ le 21 mars
« Mardi, le chef d'état-major de l'armée de terre française, le général Pierre Schill, a déclaré dans un éditorial que ses forces étaient prêtes à répondre aux “engagements les plus durs” et a déclaré que le pays pourrait engager une division de 20 000 soldats dans les 30 jours.
» “Il a tort. L’armée française n’est certainement pas prête à cela”, a déclaré Sleboda, commentant les affirmations du général. “S’ils étaient engagés dans un conflit de haute intensité comme celui dans lequel le régime de Kiev est engagé, tirant beaucoup moins d’obus d’artillerie que la Russie, alors la France disposerait de suffisamment d’obus d’artillerie pour quatre jours de conflit avec la Russie. Quatre jours”, a expliqué Sleboda.
» À titre de comparaison, la Russie compte plus de 600 000 soldats déployés dans la zone d’opérations spéciales, selon les analyses russes et occidentales. “Il est probable que les Français pensent que la Russie ne tirera pas sur ces troupes françaises, [parce qu'elles] portent l'uniforme, de peur de frapper un membre de l'OTAN, même si, bien entendu, l'article cinq de l'OTAN ne s'appliquerait pas”, a déclaré encore Sleboda.
» Il a ajouté qu’il jugeait que Macron pensait que si des troupes françaises étaient tuées par la Russie, cela créerait davantage de soutien au conflit au niveau national et “aiderait à mobiliser politiquement” d’autres pays européens pour qu’ils se joignent au combat.
» “Je pense que si Macron envoyait ses troupes à Odessa, ce ne serait évidemment pas une force capable d’engager la Russie dans une bagarre sur le champ de bataille, mais plutôt une sorte de force humaine en appat. Ce serait l’équivalent de l’OTAN, comme un chien urinant sur Odessa, la marquant comme territoire de l’OTAN”, a déclaré Sleboda. »
L’OTAN, voilà l’acronyme lâché. Car la France, malgré tout et par-dessus tout, c’est l’OTAN, c’est plus que jamais l’OTAN ! Pourtant l’OTAN a à peine été consultée, pas de réunion spéciale, de rencontrées solennelles d’ambassadeurs, rien de tout cela. Chacun joue son jeu dans son coin, un football-rugby très compliqué. Quoi qu’il en soit, tant pis ; pant pis, pour les Russes les Français, c’est l’OTAN, point final ! Et l’on passe à un niveau supérieur.
Cela donne quelques bonnes occasions d’ironiser à Medvedev, qui avait déjà tweetéX « couard ! » à l’intention de Macron qui a remis une nième fois (deuxième ou troisième ?) une visite prévue à Odessa. Ici, c’est sur ‘Telegram’ :
« En fait, pour le bien de l'affaire, ce serait bien si les Français agités envoyaient quelques régiments à Banderland. Il est très problématique de cacher un tel nombre de militaires et, par conséquent, la question de leur destruction systématique ne sera pas la tâche la plus difficile, mais extrêmement importante.
» Mais quel bénéfice ce serait !
» Avec autant de cercueils qui seront livrés en France depuis un pays étranger et lointain, il est impossible de cacher la mort massive de militaires professionnels. De plus, ici, vous ne pouvez plus ignorer les références au fait que, soi-disant, les mercenaires choisissent eux-mêmes leur sort et disposent du droit à la vie. Ces malheureux deviendront des combattants à part entière au sein du contingent d’intervention.
» Mais pour les coqs que sont les dirigeants français, cela équivaudrait à la guillotine. Ils seront découpés en morceaux par des proches en colère et des représentants malveillants de l'opposition, à qui on a dit que la France n'était pas en guerre contre la Russie. Et pour les autres idiots agités d’Europe, ce sera une bonne leçon, il y a une place pour eux dans les champs de Russie. »
On revient à Sleboda qui s’emploie à observer d’une façon plus ordonnée la signification et les conséquences d’une intervention française. Pour lui, et il n’a pas vraiment tort me semble-t-il, ce sera d’abord une “guerre de l’information”, – ou “de la déformation”, – essentiellement destinée, pour les vaillants français, au peuples nationaux soumis à l’intense et chaleureuse pression de leurs dirigeants et de leur maestria de faiseurs de simulacres.
« “Bien sûr, avec la mort de troupes de l’OTAN officiellement en uniforme en Ukraine, cela nous amènerait à un tout autre niveau ”, a-t-il prévenu.
» Sleboda a prédit qu'il y aurait “un très grand jeu de guerre de l'information, dont les cibles seront le peuple français” et d'autres États membres de l'OTAN, notant que la Finlande, la République tchèque, les pays baltes et le Canada “ont tous déjà suggéré qu'ils pourraient” rejoindre les Français. »
La France, elle, est prise dans un extraordinaire ‘tourbillon crisique’, essentiellement sinon exclusivement destiné à l’information et ensuite à la communication qui se charge de transmettre, comme un canon ‘Caesar’ tirant secs obus de 152 ou 155mm, – selon l’attention portée à la chose par le commentateur, et sa connaissance de ces charmants “jeux de guerre”.
Selon les circonstances, on y assiste à des chasses à courre où résonnent des cris de patriotes guerriers exacerbés criant au nom de la liberté-chérie les consignes de censure, guerrières et massacreuses s’il le faut, à l’encontre des Infidèles. Face à eux, en embuscades, les rebelles s’emparent épisodiquement du micro et de l’écran pour proclamer bien haut que la vérité n’est pas une chose qui se mégote au gré des censeurs, mais une chose qui se dit et se clame. Pour le personnel politique, droite, gauche, milieu et en-dessous confondus, il s’agit de faire le moins de bruits possibles qui soient en désaccord avec la ligne convenable des choses et la pensée générale assortie de quelques points de suture et autres sparadraps pour étouffer les voies d’eau. Jamais la politique française au bord du désastre n’a ressemblé autant à une colonie de vacances qui s’est trompé de plage.
Enfin, enfin, – qui douterait jamais que notre Talleyrand-Bonaparte ne suive un dessein caché consistant à bousculer le monde sans faire de ronds dans l’eau qui puissent déplaire à l’oncle d’Amérique, surtout le Sam-à-venir avec son, “fric de dingue” ? Pour lui (Talleyrand-Bonaparte) qu’y a-t-il de mieux qu’une sorte de guéguerre-dans-la-guerre avant que surviennent la fameuse cavalerie américaine avec son plan de paix ?
« Pour Bertrand Scholler, analyste interrogé par ‘Spoutnik’ Donald Trump, qui a “de très fortes chances” d'être réélu au poste présidentiel US, “veut la paix”, et cela pousse le dirigeant français à agir vite.
» “Macron et tout ce qu'on appellerait un peu l'état profond, enfin, le monde de la finance, – les gens qui possèdent, entre guillemets, l'Ukraine et qui aimeraient bien posséder aussi les richesses de la Russie, – eux veulent la guerre”, insiste-t-il auprès de Sputnik Afrique.
» Selon l'expert, la plupart des médias français continuent à “conditionner les gens à trouver complètement normal de rentrer dans un bras de fer nucléaire avec la Russie”.
» “C'est très risqué, c'est très sérieux et malheureusement, de plus en plus de personnes qui étaient révulsées par cette idée il y a 10 jours sont convaincues par le poison des médias”, déplore M.Scholler.
» Pour lui, la proposition du Président français est “une espèce de jeu qui dépasse complètement le territoire européen”. »
Tout juste se permettra-t-on de rappeler une intervention du plus brillant commentateur à s’être révélé durant cette crise, j’ai nommé évidemment le ‘old school’ Dominique de Villepin qui fait s’écrouler de rire tout impertinent qui le mettrait en comparaison avec les récentes équipes macronistes de politique étrangère.
On le trouve sur l’excellente émission ‘Ligne Droite’ du 12 mars 2024 (à voir en entier, cela vaut bien un “parcours santé”), et on le retrouve en quelques intenses poignées de secondes sur ce tweetX balancé à l’impassible visage de Cavadas-LCI :
« Que ferons-nous quand la #Russie mobilisera ses alliés et qu’on se trouvera face à des soldats asiatiques, africains, moyen-orientaux ?
» Si la Russie était isolée ça se saurait, la France est plus isolée que la Russie !
» D’autres fronts peuvent s’ouvrir : alors nous allons faire la guerre comme ça sur les 5 continents ?! »
En attendant Oncle Sam
De certains détails qui précèdent, on a commencé à comprendre une chose : la complète indifférence où se trouvent aujourd’hui les USA pour ce qui se passe en Europe et en Ukraine, et en UE par rapport à l’Ukraine. Certes, il est toujours question des 61 $milliards pour l’Ukraine, mais comme on le dit à la Maison-Blanche de plus en plus autour du vieillard sénile, “si le Congrès finissait par voter, plus de 90% de cette somme serait directement payé aux fournisseurs d’armement aux USA même”. Certains estiment même que le Pentagone, notamment l’US Army, effectuerait par un jeu d’écriture comptable sa ponction considérable pour payer des fournitures d’envoyées d’ores et déjà à Zelenski depuis il y a plus d’un an.
Dans tous les cas, nous ne devons pas omettre de remarquer ce fait tout à fait remarquable, – étonnant c’est moins évident. Depuis que ‘Tonia’ Nuland s’est fait virer, Blinken ne parle plus de l’Ukraine, Austin se remet de ses interventions chirurgicales, Lindsay Graham demande à Zelenski de payer ses dettes, et donc en fait personne ne s’intéresse plus fondamentalement à l’Ukraine. On a une réponse, ou une partie de réponse à cette remarque de ce début d’inter-titre qui pouvait sembler paraître une interrogation.
L’UE et l’OTAN, et les escaliers de la ButteOn termine là-dessus, sur une note sérieuse. La situation actuelle, dans sa confusion extrême, nous laisse terriblement à penser. Qui voit-on s’agiter ? Paris, Berlin, Moscou, Washington lorsqu’on parle $milliards, la Ligue des trois puissances baltes, tel et tel président, jusqu’au Zelenski suprême, un général, un amiral, des troupes en marche et des forces en retraite, des animateurs de plateaux et des impertinents du micro, et ainsi de suite. Mais qui parle, en ce temps de crise considérable de l’UE et de l’OTAN ? Tout autant y fait-on allusion pour telle ou telle buvette où quelques ministres de passage s’y puisse rafraîchir.
A-t-on à l’esprit le fantastique travail bureaucratique effectué par ces légions, ces cohortes, ces phalanges, ces ribambelles de fonctionnaires organisant de main de maître ces opérations exceptionnelles que constituèrent les dizaines et dizaines de campagne de sanctions, de mises à niveau des unités, de coopération et de coordination des circulaires et des calibres de fusils d’assaut ? Imaginez-vous ces tempêtes de papier et ces paquets de rapports, ces rangées de chars et ces convois de véhicules blindés prêts à brûler en Ukraine ? Tout cela bien rangé, selon les normes, chargés jusqu’à la gueule de ces chargements d’“âmes poétiques” que tous les manuels bureaucratiques vous recommandent de déployer auprès des peuplades sous-sous-développées, pour les convertir aux charmes envoûtants des démocraties extrêmement avancées ? C’est tout cela qui devait l’emporter dans l’apothéose du 24 février 2022 ! Mille sabords ! Et que reste-t-il de nos amours ? Où se sont envolées nos espérances ?
Je vais vous dire le vrai : ni l’UE, ni l’OTAN (le brav’Stoltenberg est quelque part dans quelque pays-stan, à la conquête d’un nouveau membre pour il ne sait quelle âme poétique à conquérir), – aucune de ces deux vibrantes organisations n’occupe une place de choix, centrale encore moins, dans l’actuelle partie en cours. Pfffuiitttt, disparues ! On ne discute qu’entre capitales, entre nations, entre dirigeants nationaux, on se fait des alliances à tort et à travers qui bousculent tontes les lignes convenues de l’UE et de l’OTAN. Les sanctions ? Ah oui, les sanctions, on les laisse de côté, réservées au Salon du Rire, au Musée des Erreurs. Les armements ? On les stocke à l’abri, pour que les Russes ne les dézinguent pas avec leurs hypersoniques déloyaux, qui tirent plus vite que leur ombre et que leur nombre, et on les met bien en pile, bien rangés aux côtés des piles de Covid qui jamais ne servirent sinon à soigner par erreur des fournées de blessés revenus du front ukrainien.
Ne dit-on pas que la von der laHyène va partir en cure à Baden ? Elle y retrouvera Stoltenberg, en bout de mandat, qui a besoin de quelques ragouts de navets pour se redonner des couleurs. Et tous les autres, tous les fonctionnaires anonymes et globalistes, ceux qui devaient faire éjaculer le monde, oui madame ! Rien du tout, on rentre chez soi, la queue basse si j’ose dire, retour du ‘Gala des Vaches’... Les fonctionnaires du monde nouveau ont perdu, désormais, comme je les vois ; ils n’ont pas assez médité les paroles de Jean Renoir que leur chantait la magie de Cora Vocaire ; ils n’ont pas trouvé d’amour assez fort, ni pas d’amour du tout, pour leur faire gravir leur longue marche de la Butte en Ukraine...
« Les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux
» Les ailes des moulins protègent les amoureux... »
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