Graves problèmes EPR/Flamanville : EDF et l’IRSN s’entendent pour cacher les vibrations excessives du système d'alimentation de secours !
Dans un avis publié sur son site le 16 mai, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (l’IRSN) confirme les révélations de Blast sur un nouveau problème sur l’EPR de Flamanville. Son analyse d’aujourd’hui démonte ses propres démentis et ceux d’EDF. Mais, plutôt que demander à l’électricien de prendre les mesures nécessaires, l’IRSN préfère fermer les yeux.
Tellement habituée à ne jamais dire la vérité ni reconnaître le moindre problème, l’industrie nucléaire avait tout fait pour étouffer les nouvelles révélations publiées par Blast fin avril. Elles étaient contrariantes : notre enquête dévoilait un problème de vibrations trop importantes sur une partie du circuit primaire à Flamanville. Mais, contre l’évidence, Électricité de France (EDF) nous avait affirmé que le problème était traité - en clair, résolu - et l’IRSN ne pas être concerné.
L’Autorité de sûreté nucléaire (l’ASN), elle, a fait simple : elle ne nous a jamais répondu !
Le jeu du mensonge
Pour faire bonne mesure, l’électricien public avait par ailleurs démenti l’existence de tout nouveau problème auprès de nos confrères de La Presse de la Manche, comme nous l’avions souligné. Enfin, et de son côté, le représentant de l’ASN avait déployé des trésors de mauvaise foi pour ne pas répondre à Yannick Rousselet, lors de la réunion le 12 avril dernier de la commission locale d’information (la CPI) de Flamanville. L’expert sûreté nucléaire chez Greenpeace venait de l’interpeler sur ce même sujet.
Ce jeu délétère est risqué : quand on veut mentir ou cacher la vérité, celle-ci finit toujours par surgir. Et souvent au mauvais moment. Cette fois, il a fallu moins d’un mois après ces démentis pour qu’elle apparaisse au grand jour dans sa cruelle nudité. Et, on le pressent, elle n’est pas glorieuse pour EDF et l’IRSN.
Tous les quinze jours, en début et en milieu de mois, l’Institut de radioprotection et sureté nucléaire - en passe d’être fusionné avec l’Autorité de sureté nucléaire - publie sur son site les avis rendus à l’ASN sur des sujets techniques. C’est dans la dernière livraison, mise en ligne le 16 mai, que Blast a déniché le loup.
Dans les méandres d’un vibrant problème
L’avis portant le numéro N° 2024-00060 concerne donc l’EPR de Flamanville. Il se focalise sur les « essais de démarrage de mars 2024 » et le « traitement des aléas survenus lors des essais de requalification d’ensemble ». Cette analyse tombe à point nommé pour connaître l’état réel du réacteur alors qu’EDF vient de terminer l’installation du combustible nucléaire, suite au feu vert donné par l’ASN il y a quelques jours.
Rapidement, en le parcourant, on tombe sur un développement qui retient l’attention. Derrière un intitulé pas franchement explicite - « TRAITEMENT DES VIBRATIONS EXCESSIVES DU SYSTÈME D’ALIMENTATION DE SECOURS DES GÉNÉRATEURS DE VAPEUR (sic) », il est en réalité consacré au fameux problème dévoilé par Blast - qui est censé ne pas exister ou avoir déjà été traité, c’est selon, en fonction des versions fluctuantes d’EDF.
La lecture des cinq paragraphes qu’il rassemble laisse pantois.
Tout commence par l’identification du problème. « EDF a relevé des vibrations excessives sur les collecteurs du système d’alimentation de secours des générateurs de vapeur (diamètre nominal > 50 mm) », indique l’institut. Qui détaille ensuite les actions entreprises par l’électricien pour en identifier la source.
Ces préliminaires passés, l’IRSN souligne les résultats des essais : « Les mesures ont montré qu’en certains points de mesure, les vitesses efficaces relevées étaient supérieures au seuil prédéfini. EDF a indiqué que les vibrations les plus importantes se produisent lorsque le système d’alimentation de secours des générateurs de vapeur est en configuration de débit nul ou de faible débit d’injection. »
En pleine dépendance
La suite montre la duplicité par l’absurde d’un institut censé instruire techniquement des dossiers sans prendre partie (pour ou contre EDF), en toute indépendance. Mais, pour l’EPR, les ingénieurs de l’IRSN se sont peut-être dit que ça ne valait pas le coup de s’opposer à EDF. Surtout qu’il s’agit là d’une grande cause nationale, sachant la pression exercée par l’Élysée pour que le réacteur démarre en présence d’Emmanuel Macron (1).
Résultat de cette position parfaitement bancale, après avoir indiqué que l’électricien a eu recours à « une méthode d’interprétation des résultats qui n’a pas été utilisée jusqu’alors (!) » - en clair dérogatoire -, l’IRSN avoue n’avoir « pas analysé en détail les justifications apportées par les analyses d’EDF » ! Un sommet. Surtout que cette confidence n’empêche pas le même IRSN – son avis l’écrit noir sur blanc - de « considérer que l’engagement d’EDF est satisfaisant. » L’engagement d’EDF ? Il s’agit simplement de multiplier « la fréquence des mesures ».
Oui, vous avez bien lu : il ne s’agit pas de régler un dysfonctionnement mais simplement le mesurer... On a dû se pincer, face à l’évidence. Entre afficher un nouveau retard (pour trouver une solution et la réponse technique) ou se soumettre aux impatiences de l'Élysée (qui presse pour inaugurer le réacteur), les autorités de contrôle ont fait leur choix. L’excellence ne se pratique pas, elle s’impose.
Dans les faits, l'IRSN accepte que l'EPR puisse démarrer (un jour) sans que ce problème de vibrations (trop importantes) soit résolu. Avec des mesures qui franchissent le plafond réglementaire, EDF prend de son côté un risque d'usure accéléré du métal de la tuyauterie. Celui d'une casse potentiellement dommageable pour le réacteur.
(1) Pour cause de crise en Nouvelle-Calédonie, le président de la République a dû annuler au dernier moment la visite qu’il avait programmée ce vendredi à Flamanville.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire