mercredi 22 mai 2024

LE MOURIR BUSINESS

 Le sujet de la fin de vie, un business des organes derrière la loi.

Fin de vie : les députés font sauter les garde-fous du projet de loi sur l’aide à mourir


Fin de vie : «Les mensonges d'une loi»


Fin de vie : derrière l’élargissement de l’euthanasie, la question des prélèvements d’organes...

Le projet de loi sur la fin de vie, qui prévoit d’autoriser pour la première fois en France l’euthanasie et le suicide assisté, a franchi le 17 mai une nouvelle étape à l’Assemblée.

Le texte a été approuvé à main levée en commission avec un inattendu élargissement des conditions requises. En effet, le critère selon lequel les malades doivent avoir leur « pronostic vital engagé à court ou moyen terme » pour être éligible a été supprimé par les députés, remplacé par la notion d’affection « en phase avancée ou terminale ».

Derrière l’autorisation de l’euthanasie et de son élargissement apparaît aussi la délicate question des prélèvements d’organes à destination du don, qu’aucune loi n’encadre pour le moment concernant les euthanasies et le suicide assisté.

Un élargissement de l’euthanasie et du suicide assisté

Le principal changement apporté par les députés au texte du gouvernement porte sur l’une des conditions requises pour avoir accès à une euthanasie ou un suicide assisté : le critère selon lequel les malades doivent avoir leur « pronostic vital engagé à court ou moyen terme ».

« Supprimer le court et moyen terme, très clairement, on n’est plus du tout dans la même loi. On est dans une loi qui peut permettre à des personnes dont le pronostic vital serait engagé à long terme, qui peuvent avoir des souffrances physiques réfractaires, de demander à mourir. Ce n’est pas l’équilibre de la loi qui a été souhaitée et qui a été présentée », a regretté la présidente de la commission, Agnès Firmin Le Bodo, pilote du projet de loi lorsqu’elle était ministre de la Santé et de la Prévention.

En synthèse, le texte prévoit d’instaurer la possibilité pour certains patients de demander à un médecin d’être aidés à se suicider, via une substance létale qu’ils s’administreraient eux-mêmes ou qu’un tiers pourrait leur administrer s’ils ne peuvent pas le faire. Le gouvernement insiste pour qualifier cette loi « d’aide à mourir » pour éviter d’utiliser les termes d’euthanasie ou de suicide assisté- un médecin pouvant accompagner un patient en fin de vie mais ne pouvant lui donner consciemment la mort.

Outre le fait d’être atteint d’une « affection grave et incurable en phase avancée ou terminale », les patients devront pour être éligibles être majeurs, aptes à manifester leur volonté de manière libre et éclairée, et présenter une souffrance réfractaire aux traitements ou insupportable.

Après le vote en commission, les députés ont défendu leur volonté de clarifier le texte, face à la difficulté de définir le « moyen terme ». « Le court ou moyen terme n’est pas défini par la Haute autorité de santé », a argumenté la députée Renaissance Anne-Laurence Petel. La députée LR Annie Genevard a fait part de sa « sidération » après la suppression du « verrou essentiel » du pronostic vital. Elle et plusieurs députés craignent d’autres élargissements de la loi au cours des discussions à venir.

Même inquiétude pour le député PCF de la 13eme circonscription des Bouches-du-Rhône, Pierre Dharréville, pour qui « la loi qui nous est proposée est une rupture éthique. » Selon lui, la loi Léonetti permet de répondre à la quasi-totalité des situations, si des moyens à la hauteur des enjeux étaient mis en place. « La question pourrait se poser maintenant : à partir de quand une vie ne vaut plus d’être vécue ? C’est un basculement qui a une dimension anthropologique vertigineuse » a déclaré le député.

Les réactions de la société civile

Pour Claire Fourcade, présidente de la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP), « notre désarroi et notre inquiétude sont immenses devant ce texte qui devient le plus permissif au monde et nous place dans la droite ligne du Canada, c’est-à-dire avec la possibilité d’un nombre d’euthanasies supérieur à 40.000 par an en France » a-t-elle déclaré.

Selon la SFAP, le «modèle français» de la fin de vie s’annonce encore plus permissif que prévu – au-delà de la porte ouverte au suicide assisté ou à l’euthanasie. Plusieurs « conditions strictes » ont sauté comme l’introduction de l’aide à mourir dans le code de la Santé Publique, la suppression du critère de pronostic vital engagé, l’assouplissement du délai de réflexion de 48h ou encore la création d’un délit d’entrave à l’aide à mourir.

Tugdual Derville, porte-parole d’Alliance vita, a dénoncé le caractère « flou et subjectif » de deux critères d’éligibilité majeurs: « Le pronostic vital engagé à moyen terme et la souffrance psychologique insupportable ». Selon lui, ils sont invérifiables et susceptibles d’ouvrir une « boîte de Pandore ».

Quant aux responsables des principaux cultes, ils ont répété leurs « inquiétudes » face à un projet qui pourrait, selon eux, peser sur les plus fragiles en les laissant penser qu’ils « sont de trop ».

Derrière l’euthanasie, la question des prélèvements d’organes

Tous les pays qui ont légalisé l’euthanasie ou le suicide assisté ont observé une augmentation consécutive des prélèvements d’organes, dans le cadre du don d’organe volontaire. Dans la plupart des cas, aucune loi ne l’interdit, les lois relatives au don d’organes ne prenant pas en compte l’origine de la mort pour autoriser les prélèvements. Cela pourrait être également le cas si l’euthanasie est légalisée en France.

En Belgique, le premier cas de prélèvement d’organes sur une personne euthanasiée a été recensé en 2005. La Belgique a autorisé l’euthanasie en 2002 et est devenue en 2014 le premier pays européen à permettre aux enfants, atteints de maladie incurable, de choisir l’euthanasie. Les majeurs peuvent également choisir d’être euthanasiés pour cause de « souffrance psychologique insupportable ».

Aux Pays-Bas, le premier don d’organes après euthanasie a eu lieu en 2012. Ce type de don ne fait pas l’objet d’une législation spécifique, car il est régi par deux lois distinctes, une sur l’euthanasie en 2001 et une autre sur le don d’organe en 1996.

De son côté, l’Espagne a enregistré un record de dons d’organes en 2023, 9% de plus qu’en 2022. Au cours de sa première année de dépénalisation en 2021, 172 euthanasies ont été pratiquées, indique le quotidien El País, parmi lesquelles 44 personnes ont eu leurs organes prélevés, dans le cadre de don.

En France, l’euthanasie est encore à ce jour interdite. Le prélèvement d’organes est toutefois autorisé depuis 2014 « sur un donneur décédé après un arrêt cardiaque faisant suite à la limitation ou l’arrêt des traitements », selon le protocole « Maastricht III ». Comme pour la Belgique, les Pays-Bas ou l’Espagne, à moins d’un amendement dans la prochaine loi sur la fin de vie, les personnes euthanasiées en France pourront être prélevées de leurs organes, après leur mort.

Des questions éthiques fondamentales à la veille des élections européennes

La suppression du verrou du pronostic vital, engagé à court ou moyen terme, a élargi les raisons justifiant l’euthanasie ou le suicide assisté, notamment auprès de patients n’étant pas directement en fin de vie.

Le «modèle français» de la fin de vie s’annonce pour le moment plus permissif que prévu, avec des implications sociétales fondamentales à la veille d’un scrutin essentiel pour l’avenir des Européens.

Le texte sera débattu dans l’hémicycle à partir du 27 mai.

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