dimanche 7 juillet 2024

L'AVENIR DE L'OTAN

 

L’avenir de l’Otan devient de plus en plus incertain

Par Alexandre Lemoine pour Observateur Continental

Le sommet de l’Otan se tiendra à Washington du 9 au 11 juillet 2024 à l’occasion du 75e anniversaire de la signature du traité de l’Atlantique Nord en 1949. Au fil des ans, l’Otan a accumulé de nombreux problèmes systémiques et ne parvient pas à évaluer de manière réaliste ses perspectives en cas de conflit potentiel avec la Russie. La situation internationale de 2024 montre comment les contradictions liées à la nature de l’Otan et son refus de changer créent des problèmes de plus en plus complexes pour l’Alliance. 

En théorie, l’Otan aurait dû cesser d’exister après avoir accompli sa mission de protection du “monde libre” contre la menace communiste. Cependant, une autre logique a prévalu: pourquoi se débarrasser d’un outil qui a si bien fait ses preuves? En effet, le principal accomplissement n’était même pas la victoire dans la guerre froide, que l’Occident considérait comme certaine, mais le fait qu’elle ait été remportée sans confrontation militaire directe, grâce à une politique de long endiguement et d’épuisement socio-économique progressif de l’adversaire. En d’autres termes, l’Otan n’est pas un bloc militaire, mais une structure politique très efficace, facilement reprogrammable pour d’autres missions. Le nouvel objectif était simple: devenir le pilier d’un nouvel ordre mondial centré sur l’Occident. 

Les discours alarmistes sur la sortie des États-Unis de l’Otan sous Donald Trump sont probablement dus à la lutte politique. Même si Trump le souhaitait, il n’en a pas le pouvoir. Trump est obsédé par une autre idée: de son point de vue, toute grande stratégie doit rapporter de l’argent, de préférence sous forme de paiement pour les services. D’où ses exigences envers l’Otan et les alliés de payer pour leur propre défense, soulageant ainsi le budget américain. 

Cependant, il ne s’agit pas de Trump. L’administration Biden, considérée comme orientée vers l’Europe, ne rechigne pas à lui faire supporter une plus grande part des dépenses ukrainiennes et encourage même les Européens à prendre des initiatives, ce qui n’était pas le cas auparavant. Une reconsidération du concept d’autonomie stratégique, vivement discuté les années précédentes, est en cours. Il n’est plus question de sa propre ligne politique, mais d’une activité autonome pour mener une politique unifiée avec les États-Unis. 

“La structure de commandement de l’Otan est dans un état de chaos total, reflétant des décisions politiques plutôt que la logique militaire. Les années d’économies signifient que les stocks sont maigres, les infrastructures inadéquates, la logistique peu fiable et l’équipement obsolète. Les promesses de création de forces de réaction rapide, notamment du Royaume-Uni, reflètent des hypothèses extrêmement optimistes”, déclare Edward Lucas, expert britannique et chercheur principal au Centre d’analyse des politiques européennes (CEPA) de Washington, dans un article pour le journal The Times

Selon lui, les dirigeants de l’Otan ont une “mentalité obsolète et complaisante”, ils supposent qu’une guerre impliquant l’Alliance ne durerait pas plus de deux semaines, car l’avantage technologique de l’Occident lui permettrait d’infliger des frappes dévastatrices à la Russie, et la peur des armes nucléaires américaines empêcherait une riposte. 

“Les plans de l’Alliance reposent en grande partie sur l’aide américaine en cas de crise. Mais les États-Unis transfèrent déjà des technologies avancées et des capacités lourdes vers la région indo-pacifique pour faire face à la Chine. Cela signifie: moins pour nous”, indique l’auteur. 

À son avis, les pays européens pourront avec le temps combler le “manque de muscles américains”, mais il sera beaucoup plus difficile de remplacer les États-Unis en termes de leadership technologique et stratégique. 

“L’Otan n’est pas non plus capable de faire face à d’autres faiblesses. L’industrie de la défense européenne est fragmentée. Les achats militaires sont au point mort. Les règles de sécurité civile et de protection de l’environnement entravent la mobilité militaire: le déplacement rapide des troupes et du matériel avec toutes les violations qui en découlent”, note l’expert. 

Sur le papier, l’Otan a des plans pour corriger bon nombre de ses faiblesses d’ici 2030, mais l’Alliance doit faire “bien plus et bien plus rapidement”, estime Lucas. “Mais sans les Américains, rien de tout cela ne sera possible”, avertit-il.

Alexandre Lemoine

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