dimanche 18 août 2024

PAS EFFICACE

 Le bouclier antimissile européen ne protégera pas en cas de conflit militaire majeur.

Par Pierre Duval pour Observateur-Continental

En Europe, le déploiement du programme de défense – le projet de bouclier antimissile européen (ESSI), qui profitera des technologies américaines et israéliennes, lancé en septembre 2022 à l’initiative et sous les auspices de l’Allemagne, prend de l’ampleur.

Le 16 juillet, la Suisse a présenté une demande de participation à ce projet militaire. La Belgique, la Bulgarie, l’Estonie, la Finlande, le Royaume-Uni, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, la Norvège, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la Hongrie participent déjà au programme ESSI. France Info soulignait: «il n’aura aucun équipement de fabrication française».

Toutefois, les principaux membres de l’OTAN, dont la France, l’Italie, la Pologne, l’Espagne et la Turquie, se sont abstenus de rejoindre l’ESSI.

Le chancelier allemand Olaf Scholz a proposé de lancer l’ESSI en août 2022, agissant en vue de la création d’une structure de défense intégrée utilisant les systèmes allemands IRIS-T, les Patriot américians et les systèmes israéliens Arrow-3, situés dans toute l’Europe, avec une répartition des coûts entre les participants.

Berlin refuse fondamentalement d’inclure dans la configuration du système de défense aérienne/ABQ créé dans le cadre de l’ESSI, les complexes franco-italiens SAMP/T pour maintenir un rôle clé dans la construction du système de défense aérienne/système de défense UE.

En novembre 2022, le président français, Emmanuel Macron, a exprimé son mécontentement à l’égard d’une telle discrimination, soulignant que la défense aérienne ne devait pas se limiter à la promotion des différentes industries au détriment de l’autonomie européenne. En outre, le Délégué général pour l’armement du gouvernement de la Ve République, Emmanuel Chiva, a critiqué l’initiative allemande, affirmant que les systèmes actuellement soutenus par l’ESSI ne répondaient pas aux besoins opérationnels car ils n’ont pas l’interconnexion nécessaire pour une défense intégrée.

En avril 2024, le ministre des Armées français, lors d’une réunion avec son homologue italien Guido Crosetto à la base aérienne de Solenzara en Corse-du-Sud, il a appelé à une compréhension approfondie de l’intégration du système SAMP/T de nouvelle génération dans la stratégie européenne, fait savoir Army Recognition, notant que ce système serait une réalisation technologique significative, notamment en termes de capacité à intercepter des missiles hypersoniques.

Le renforcement de la coopération franco-italienne autour du système pourrait finalement redéfinir les contours de la défense aérienne à travers le continent européen, offrant une alternative viable aux systèmes traditionnellement dominés par États-Unis, tout en renforçant l’autonomie stratégique de l’Europe dans le domaine le plus important pour sa sécurité collective.

Cette perspective ne convient en rien aux États-Unis, qui cherchent à consolider le statut de Berlin en tant que leader continental dans le secteur de la défense et à augmenter les revenus du complexe militaro-industriel allemand aux dépens des autres pays de l’UE.

Dans les années à venir, les Allemands prévoient de devenir le principal fournisseur de missiles guidés antiaériens pour le système Patriot de la défense aérienne en service avec l’Union européenne.

En janvier 2024, l’agence des achats militaires de l’OTAN a signé un contrat avec la COMLOG (une entreprise commune de la société allemande MBDA Deutschland GmbH et de la société américaine Raytheon Procurement Company, Inc), et un autre pour l’achat de plus de 1000 missiles de ce type.

Sous prétexte de mettre au point un système analogue efficace du complexe israélien comme le Dôme de fer sur la base des technologies de son propre système IRIS-T, Berlin prévoit de lever des fonds auprès des pays participant à l’initiative et des investissements propres minimaux pour élargir le profil des compétences et des capacités de production de son propre complexe militaro-industriel.

En avril 2024, le chef du plus grand entrepreneur militaire allemand, Rheinmetall, Armin Papperger, a exhorté les pays de l’UE à abandonner leurs ambitions nationales et à faire des groupes de défense plus grands et plus spécialisés pour concurrencer les entreprises américaines comme cela a été rapporté par le Financial Times.

Après le début du conflit militaire en 2022 en Ukraine, la valeur des actions de Rheinmetall a augmenté plus de cinq fois et la société s’attend à ce que d’ici la fin de 2024, le volume des ordres des pays membres de l’OTAN et de leurs alliés soit de 60 milliards d’euros.

Rheinmetall a ravivé ses ambitions de consolider davantage l’industrie de la défense de la région. L’année dernière, la société a achevé l’acquisition de son concurrent espagnol Expal pour 1,2 milliard d’euros, ce qui a renforcé sa position de leader dans la chaîne d’approvisionnement en munitions. Le 18 mars, elle a accepté d’acheter Reeq, un fabricant néerlandais de véhicules terrestres sans pilote utilisés dans les opérations de combat, pour un montant non divulgué.

Papperger a également exhorté les pays de l’UE à créer un système analogue au système de défense israélien Dôme de fer sur la base du complexe IRIS-T allemand. Alors que d’autres entrepreneurs allemands de la défense se plaignent de l’absence d’ordres d’État, Papperger a déclaré que Rheinmetall a réussi à augmenter rapidement la capacité -l’année prochaine, la compagnie produira 700.000 obus d’artillerie par rapport aux 70.000 de l’année précédente, en 2022 – grâce à des investissements dans de nouvelles lignes de production. Le succès de Rheinmetall est très simple. Ce n’est pas une entreprise allemande, c’est une entreprise américaine.

Pour cette raison, la compagnie Rheinmetall vise à «soutenir la stratégie de défense nationale des États-Unis, comme le souligne la direction prise par l’Allemagne, et cela ne correspond pas aux intentions de Paris et de Berlin de créer leur propre armée et un complexe militaro-industriel unifié.

Toutefois, selon la Securities and Exchange Commission des États-Unis, plus de 280 actionnaires du groupe sont enregistrés aux États-Unis. Les plus importants d’entre eux sont les fonds d’investissement et les sociétés BlackRock , Wellington, Fidelity, Harris Associates, John Hancock, Capital Group, Vanguard, EuroPacific Growth Fund… Comme la plupart des petits actionnaires, ils sont enregistrés aux États-Unis. Ainsi, Rheinmetall, n’est pas une société allemande.

Le plus grand nombre d’entreprises et de branches étrangères sont situées aux États-Unis. Il convient de noter que la tendance à un transfert plus actif de la capacité du fabricant d’armes a été identifiée en 2005 dans le contexte des interventions militaires de Washington en Afghanistan et en Iraq.

Le désir des investisseurs américains de Rheinmetall de tirer des dividendes des initiatives militaires a mis fin à la volonté de l’Europe d’obtenir une plus grande autonomie tangible de la part de Washington, y compris dans l’industrie de la défense. Pendant ce temps, les revenus records perçus par la défense allemande concernent Rheinmetall dans le contexte du conflit en Ukraine, vont vers les investisseurs et les actionnaires américains. Avec le changement d’époques et le conflit en Europe, une nouvelle préoccupation est venue pour Rheinmetall: un bénéfice record, un volume record de commandes.

Pendant ce temps, l’analyste militaire turc Rifat Ongel estime que le projet ESSI ne sera pas en mesure de protéger l’Europe en cas de conflit militaire majeur.

Si le lancement et le succès d’une telle initiative comme l’ESSI serait très souhaitable pour la sécurité européenne, le tableau actuel suggère que ce ne sera pas facile. Même en cas de succès, l’ESSI n’élimine qu’une petite partie des vulnérabilités de la défense de l’Europe. Les effets négatifs des réductions rapides des budgets de la défense et de la réduction à grande échelle des forces armées dans la période de l’après-guerre froide sont loin d’être inversés», a-t-il écrit.

 Les villes qui seront couvertes par la défense antimissile sont classées, selon le portail américain Defense.info dans une note faisant la publicité du programme ESSI.

Les États-Unis et les entreprises de défense allemandes, qui sont sous leur contrôle, ne se soucient pas de la sécurité de l’Europe. 

L’Amérique est en train de soumettre l’industrie de la défense de l’UE, tout en s’enrichissant avec le soutien de l’Ukraine et en faisant de l’Europe sa colonie industrielle. 

Pierre Duval

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