mardi 25 mars 2025

COPINAGE

 


L’ÉTRANGE BIENVEILLANCE DU RAPPORT DE L’ARCOM SUR FRANCE TÉLÉVISIONS

- Dans ce second chapitre consacré au rapport de l’Arcom sur France Télévisions, nous allons constater à quel point les auteurs du document biaisent les faits pour préserver l’actuelle direction. Plutôt que d’analyser de façon critique les transformations profondes de l'offre de programmes, le rapport met en avant des éléments rassurants et minimise les évolutions pourtant alarmantes. Entre la baisse drastique des documentaires, la quasi-disparition du cinéma et des fictions, et l’affaiblissement du traitement de l’information et de l’actualité européenne, l’Arcom semble adopter une posture d’indulgence à l’égard du service public audiovisuel.

L’EFFONDREMENT DES DOCUMENTAIRES ÉDULCORÉ Plutôt que de s’attarder sur la baisse spectaculaire du volume horaire consacré aux documentaires sur France Télévisions entre 2019 et 2023 (–22 %), l’Arcom préfère vanter une "offre riche et diversifiée", saluant une prétendue capacité à "conjuguer événementialisation et contenus de niche" pour attirer divers publics. Cette formule creuse masque mal une réalité plus préoccupante. À titre de comparaison, France Télévisions, malgré des moyens largement supérieurs, produit désormais moins de documentaires que les chaînes du groupe RMC. Une situation aussi paradoxale qu’inquiétante pour un groupe censé incarner l’exigence culturelle du service public. LA QUASI-ÉRADICATION DU CINÉMA À PEINE ÉVOQUÉE Le rapport reconnaît, du bout des lèvres, que "la diffusion de films a connu une baisse sur les antennes linéaires". Mais cette remarque est aussitôt minimisée par l’affirmation que France Télévisions "continue de soutenir fortement le cinéma avec une stratégie d’événementialisation marquée". Dans les faits, cette "stratégie" se résume à une unique case cinéma sur France 2, le dimanche soir. Les autres chaînes du groupe – France 3 et France 5 – proposent désormais une offre cinématographique marginale, voire inexistante. Jamais, dans l’histoire du service public, la place accordée au cinéma n’a été aussi réduite. DES FICTIONS EN CHUTE LIBRE PASSÉES SOUS SILENCE On pourrait s’attendre à ce que la raréfaction des films soit compensée par un renforcement de l’offre de fiction. Il n’en est rien. Le nombre d’heures de fiction diffusées sur France 2, France 3 et France 5 a fortement chuté ces dernières années. Le rapport de l’Arcom, étonnamment muet sur ce point, se contente d’un graphique révélant une baisse d’un tiers des fictions en quatre ans, sans le moindre commentaire. L’autorité de régulation rappelle que les fictions policières dominent l’offre, souligne que l’article 11 du cahier des charges impose au groupe une "exigence forte d’innovation, de diversité et d’originalité" dans ses productions de fiction mais ne tire aucun signal d'alarme quant au non-respect de ces obligations contractuelles. Quant aux grandes productions de France 2, souvent tournées en dérision par la critique et le public, leur esthétique datée et leur absence d’audace éditoriale posent une question fondamentale sur la mission culturelle du service public - une question que l’Arcom choisit d’ignorer. MISE SOUS SILENCE DES DIFFICULTÉS DE L’INFORMATION Le rapport présente plusieurs graphiques révélant les difficultés de l’information sur France Télévisions, mais sans jamais les commenter. Une nouvelle stratégie d’évitement. Le journal de 20h de France 2, par exemple, est passé de 5,5 à 4 millions de téléspectateurs en quatre ans, soit une chute de 27 % – un effondrement que l’Arcom préfère taire. Du côté de France 3, la refonte du 12/13 et la suppression du 19/20 (après celle du Soir 3) se sont soldées par des revers manifestes. Le journal du midi a perdu un quart de son audience, tandis que celui du soir est passé de 2,8 à 2 millions de téléspectateurs, soit une baisse de 28 %. Autant de données qui auraient mérité, à tout le moins, une analyse critique. LA QUASI-DISPARITION DE L’ACTUALITÉ EUROPÉENNE PASSÉE À LA TRAPPE Sur le traitement de l’actualité européenne, l’Arcom écrit que France Télévisions "propose une offre de magazines hebdomadaires enrichie et dédiée à l’Europe". Cette formule flatteuse masque une réalité bien plus terne. Un seul magazine est diffusé – à des horaires marginaux – sur France 2 et France 3, avec des audiences anecdotiques. Le rapport ne s’interroge ni sur la faiblesse du traitement des questions européennes dans les journaux télévisés, ni sur le désintérêt croissant du groupe pour ces enjeux. Pourtant, la France figure parmi les pays européens où le niveau de connaissance de l’Union est le plus faible, et les chaînes publiques ne jouent manifestement plus leur rôle d’éclaireur démocratique. CONCLUSION Loin d'être une analyse critique et objective de la situation de France Télévisions, le rapport de l'Arcom semble servir d'écran de fumée pour minimiser les problèmes structurels de l'audiovisuel public (dont les téléspectateurs sont les plus âgés en Europe) et cautionner les stratégies désastreuses mises en œuvre depuis 10 ans. Les baisses alarmantes de la diffusion de documentaires, de films et de fictions, ainsi que les difficultés du traitement de l'information et de l’actualité européenne, sont occultées ou relativisées. En niant ces réalités, l'Arcom faillit à sa mission de régulation et d’évaluation impartiale, encourageant France Télévisions à poursuivre dans une voie sans issue.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire