Droit du travail : les prochaines saloperies du gouvernement.
Dans la lutte des classes, les deux camps agissent. Lorsque notre camp, celui des classes populaires et laborieuses, se révolte et met la pression à la bourgeoisie, celle-ci se tient à carreau, ou du moins évite les provocations. Mais lorsque tout est calme et que le débat médiatique est entièrement monopolisé par l’extrême droite, ses représentants peuvent avancer leurs pions. C’est le cas de Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances et carpette du patronat, qui a décidé de mettre de nouveaux coups de cutter dans le droit du travail, parce que le patronat lui en a fait la demande. Qu’est-il prévu pour augmenter la possibilité de nous exploiter ?
Le 30 novembre, le ministre des finances s’est rendu à la Station F, le “campus de start up” créé à Paris par Xavier Niel, le PDG de Free, et où Macron avait fait son fameux discours sur “les gens qui ne sont rien”, pour parler aux PDG Français. Ces derniers étaient réunis par la CPME, le syndicat des Petites et Moyennes Entreprises (PME, qui comptent les entreprises de moins de 500 salariés). “Talents, IA, transition écologique : Comment réussir 2024 ?” était le titre de cette journée où est également intervenue la première ministre Elisabeth Borne.
1 – “Réduire la paperasse” et les droits des salariés
Le ministre a déroulé un discours banal quand un politique parle du monde du travail, le genre de discours qu’on pourrait confier à une IA : “Quand on met des bâtons dans les roues des PME, qu’on ajoute des règles, des normes, des obligations, de la paperasse, des contraintes administratives, c’est absolument insupportable !” s’est-il exclamé. “Il faut vraiment être un politique totalement déconnecté du monde de l’entreprise, des PME et des petites entreprises, pour ne pas comprendre qu’une des premières demandes d’un chef d’entreprise aujourd’hui, c’est qu’on arrête de l’emmerder et qu’on lui simplifie la vie”, a-t-il ajouté. Il a annoncé souhaiter “regarder comment on peut réduire l’écart entre (le salaire) brut et net “ ainsi que “le poids des cotisations”. Rien de nouveau sous le soleil : la “simplification” est l’un des totems du macronisme, et la réduction des cotisations sociales l’a également été.
Ce ne sont donc pas des nouveautés mais une radicalisation de ce qui existe déjà qu’a annoncé le ministre : une “loi PACTE II” est annoncée pour le début de l’année prochaine. La loi PACTE est un pack de mesures voté en 2019, parmi lesquelles la privatisation du groupe Aéroport de Paris (qui n’a finalement pas eu lieu) et de la Française des jeux (qui a eu lieu : se faire du fric sur les espoirs déçus des pauvres est un business si rentable). Dans le lot de cette loi illisible se trouvait quelques régressions du droit du travail comme le changement du nombre de salariés à partir duquel une entreprise est tenue de mettre à disposition un local de restauration, qui est passé de 20 à 50 salariés.
2 – Rendre impossible la contestation d’un licenciement abusif
Ainsi, Le Maire ne s’est pas contenté, ces jours-ci, d’annoncer une réduction de la “paperasse” : il a déclaré au Parisien qu’il voulait réduire drastiquement le délai de recours, pour les salariés, d’un licenciement, de 12 à … 2 mois. “Aujourd’hui, lorsque vous licenciez une personne, un recours contre l’entreprise reste possible pendant 12 mois. Il est important que les salariés puissent être protégés, mais ce délai est trop long“. Le Maire oublie de préciser que son gouvernement a déjà fait beaucoup pour faciliter les licenciements en France. En 2017, les ordonnances réformant le code du travail ont plafonné le montant des indemnités de licenciement en cas de licenciement abusif, de telle sorte que tout employeur peut désormais savoir combien lui coûtera un licenciement reconnu sans cause réelle et sérieuse : simple et pratique, non ? Les salariés, eux, sont désormais plus facilement licenciables.
Mais en France, le patronat n’est jamais repu. Le Maire lui offre sur un plateau la quasi impossibilité de contester un licenciement devant la justice : pour Gilles Bompard, juriste et formateur en droit social, que nous avons interrogé sur cette réduction du délai de recours à deux mois, celle-ci “va rendre la contestation quasi impossible, en particulier sur des affaires complexes liant une rupture du contrat à du harcèlement, car saisir un avocat dans les plus brefs délais n’est pas une chose évidente pour la victime et obtenir un rendez-vous rapide n’est pas garanti par tous les cabinets.” Selon lui, “les saisines seront forcément bâclées, avec un dossier loin d’être complet dans beaucoup de cas… et encore faut-il que les victimes, déjà dans un état fébrile, connaissent leurs droits en la matière et décident de les mettre en œuvre”. Pour lui, on peut redouter une stratégie patronale face à un délai de recours aussi faible : que tous les licenciements se fassent en juin, de façon à mettre les salariés face au défi de trouver un avocat disponible durant les deux mois d’été.
Dans son argumentaire au Parisien, Bruno Le Maire a menti : il a déclaré que le délai de deux mois était déjà en vigueur “chez nos voisins” alors qu’il est en général proche de trois mois et avec des délais plus long dans de nombreux cas, comme les soupçons de motifs discriminatoires.
3 – Supprimer les ruptures conventionnelles pour nous forcer à rester en poste
Le gouvernement veut donc faire en sorte que nous puissions nous faire virer plus facilement mais, dans le même temps, annonce vouloir nous empêcher de partir quand on le souhaite. Car oui, ce qui tracasse beaucoup le patronat français c’est l’absentéisme et la “grande démission” qui a touché le monde du travail après 2020. La main d’oeuvre est plus instable, ils se plaignent à longueur d’article du Figaro Magazine de l’absence de surtravail des jeunes générations (dont les membres ne feraient plus que les heures prévues dans leurs contrats de travail, les salauds) et les patrons de certains secteurs, comme la restauration, gémissent à longueur de JT sur la difficulté de garder leurs personnels. Plutôt que d’agir sur la dégradation de la santé au travail dans le pays et le ras-le-bol légitime du salariat, les macronistes ont un plan : faire travailler les gens de force. C’est ainsi que la première ministre a annoncé fin novembre réfléchir à une suppression de la rupture conventionnelle.
Créé en 2008, ce dispositif permet une rupture de contrat “à l’amiable” qui permet au patronat d’être sécurisé juridiquement (puisque la rupture n’est plus contestable devant la justice) et au salarié de bénéficier des indemnités chômage, ce que ne permet pas la démission. Pour le gouvernement, cela permettrait à trop de gens de ne pas reprendre le premier job venu, la boule au ventre. Ils semblent ignorer qu’ils ont tellement dégradé l’assurance-chômage qu’y rester longtemps devient impossible et misérable.
Ce faisant, le gouvernement va complètement à l’encontre d’une des propositions les plus populaires du programme de Macron en 2017 : indemniser les démissionnaires. Jamais réellement réalisée (le dispositif est si complexe qu’il concerne très peu de gens chaque année), elle était pourtant cohérente avec un certain programme “social-libéral” : donner plus de “flexibilité” au patronat et en échange en donnant aussi aux salariés. Mais ce n’est plus du tout ça le macronisme : l’objectif est de nous forcer à travailler n’importe où, dans n’importe quelle condition et de nous empêcher de partir. Qu’importe si le travail nous rend de plus en plus malade, malheureux, si le sens que nous lui donnons est de plus en plus broyé par des directions qui ne croient qu’au management toxique et à la quête de profit.
Avant, lorsque l’on était mal à son travail mais que l’on ne voulait pas crever la dalle en cas de départ, on pouvait effectuer un abandon de poste, et ainsi toucher les allocations chômage le temps de trouver autre chose. Depuis le printemps dernier, ce n’est plus possible : un tel acte vous fait désormais être considéré comme démissionnaire et vous n’avez plus le droit au chômage. Vous pouvez alors négocier avec votre employeur et essayer d’obtenir le graal d’une rupture conventionnelle : le gouvernement veut nous en empêcher. Que croit-il, que quitter un emploi pour se retrouver dans l’enfer qu’ils ont créé pour nous à Pôle Emploi est un plaisir ? Que c’est par bonheur et caprice que toutes et tous nous passons de plus en plus souvent d’un job à un autre, épuisés par la surcharge de travail, les petits chefs à la con, les managers de merde et les foutus “moments de convivialité” que les entreprises organisent pour espérer nous faire rester et nous “impliquer” dans leurs “valeurs” pétées ?!
4 – Vers une nouvelle réforme des retraites ?
Ce catalogue de mesures à venir n’aurait pas toute sa saveur (de sang) si nous ne mentionnions pas l’entretien que le ministre du travail Olivier Dussopt a donné aux Echos cette semaine. Il y déclare ceci, après avoir validé toutes les annonces déjà décrites : “Après dix-huit mois à ce poste, je suis frappé par le fait qu’on parle beaucoup, à raison, de transition écologique et numérique, mais assez peu du choc démographique qui nous attend. L’Europe va perdre 30 millions d’actifs d’ici à 2050, alors que sa population va continuer à augmenter. Avec deux conséquences évidentes. D’abord, la nécessité de travailler progressivement plus et de produire plus, en augmentant le taux d’emploi et la productivité. Ensuite en trouvant d’autres moyens financiers pour garantir l’avenir du système de protection sociale sans peser sur le coût du travail ni réduire les mécanismes de solidarité. La réforme que nous avons menée préserve notre système de retraite par répartition, mais elle n’éteint pas tous les débats et les réflexions qui restent devant nous.” Voilà ce qui arrive quand des dominants écrasent des dominés : ils rêvent de recommencer. Dussopt envisage bien une nouvelle réforme des retraites.
Bruno Le Maire, Elizabeth Born et Olivier Dussopt veulent faciliter la vie des patrons et améliorer celle de leurs actionnaires. Et pour y parvenir, il doit compliquer la nôtre. La simplification annoncée ne l’est que pour les possédants. Pour nous, c’est l’assurance d’un monde du travail toujours plus aride, détestable et compliqué. Informons autour de nous de la nature de ces projets et tenons nous prêts.
Nicolas Framont
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