"Citoyens jurés, citoyens juges !
Vous savez qui je suis. Vous savez ce que j’ai fait.
Lorsque la monarchie croulait, j’étais là. Lorsque la patrie tremblait sous les menaces de l’étranger, j’étais là.
Je n’ai point conspiré contre la République : je l’ai fondée !
Et aujourd’hui, ce sont les hommes que j’ai sauvés qui veulent ma tête.
Accusateur public ! Tu n’es qu’un instrument.
Les véritables accusateurs, ce sont ceux qui, du haut du Comité, veulent étouffer la liberté sous le prétexte de la défendre.
Robespierre, Saint-Just, ces hommes purs à leurs yeux, veulent un pouvoir sans borne.
La Révolution dévore ses enfants — eh bien ! qu’elle me dévore, pourvu qu’elle vive !
Peuple de France ! Regarde ton Danton : ai-je l’air d’un traître ?
J’ai semé la Révolution, je ne la moissonnerai pas.
On m’accuse d’avoir vendu ma conscience, de m’être engraissé d’or étranger !
Montrez-moi donc la preuve ! Rien, rien que la calomnie !
J’ai connu les plaisirs, oui, je n’ai pas fait profession d’ascétisme ; mais la corruption, non ! Mon cœur n’a jamais appartenu qu’à la patrie.
On veut me faire taire !
Mais la vérité, on ne la bâillonne pas !
Vous pouvez trancher ma tête, mais vous ne ferez pas tomber ma mémoire.
Je laisse tout à la postérité : elle me vengera !
Citoyens, je n’ai pas besoin de défense : ma vie parle pour moi.
Aux journées d’août, j’ai fait tomber la couronne des rois ;
aux journées de septembre, j’ai arrêté l’étranger à nos portes.
On m’a appelé le tribun du peuple — je l’étais.
Je meurs pour le peuple encore, car c’est le peuple qu’on trompe aujourd’hui.
(Dernière invective avant d’être réduit au silence) :
Je vois où nous allons : la tyrannie nouvelle succède à l’ancienne.
Vous prétendez sauver la République par la Terreur ?
Vous la tuez !
La vertu sans la liberté n’est qu’un mot ;
la République sans pitié n’est qu’un tombeau.
Qu’on m’emmène ! Je ne veux pas d’un salut acheté par le sang de mes amis.
Je meurs, mais la Révolution ne mourra pas !"
Plaidoirie de Georges Danton — Tribunal révolutionnaire, avril 1794
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire